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Classique du genre, Across 110th Street, signé en 1972 par Barry Shear, est un polar sombre et violent à l’image d’Anthony Quinn, mais aussi un manifeste politique pour le droit des minorités. Porté par une bande-son signée JJ. Johnson pour les parties instrumentales et Bobby Womack pour les chansons dont le thème titre, de la soul dopée aux cordes sensibles qui contraste avec ce qui se dit : des histoires de deal bien glauques. C’est peut-être pour ça que le titre, repris au générique de Tarantino, sera samplé à tour de bras par le gangsta rap.

Au printemps 1972, United Artist prépare un nouveau film Blaxploitation : Across 110th Street, une adaptation du roman de Wally Ferris, avec Anthony Quinn et Yaphet Kotto mais aussi Antonio Fargas (futur Huggy-les-bons-tuyaux dans « Starsky et Hutch »). Le pitch est fidèle au genre : des jeunes truands sont traqués par la mafia et la police suite à un braquage qui a déraillé. Certains protagonistes sont d’ailleurs inspirés de réels criminels, le caïd Doc Johnson, en référence à « Bumpy » Johnson, célèbre gangster noir de Harlem.

Bobby Womack Across 110th street

Si le film a comme un arrière-goût de ranci, la bande sonore, signée JJ. Johnson et Bobby Womack, n’a rien perdu de sa superbe.

En 1972, Bobby Womack s’est déjà fait remarquer par ses compositions reprises par Wilson Pickett, Janis Joplin ou les Rolling Stones (it’s all over now). Dans les années soixante-dix, Bobby Womack se révèle engagé, il apparaît d’ailleurs sur la pochette de There’s a riot going on en tant que membre honorifique de la Family Stone de Sly Stewart.

Pour sa première B.O., Bobby se charge de l’écriture des chansons, dont celle d’« Across 110th Street », une chanson du ghetto. La 110e rue marque l’entrée dans Harlem, ghetto noir, où dans les années 70, les histoires de prostitutions, de drogues et autres magouilles sont légion.

Bande originale de Across 110th street (Bobby Womack/J.J. Johnson)
Bobby Womack Across 110th street

« J’ai écrit la chanson Across 110th Street à Los Angeles, en 1971, dans l’urgence la plus totale. À l’époque, je travaillais pour United Artists et ils avaient l’habitude de demander presque systématiquement à Quincy Jones d’écrire leurs bandes originales de films. Je leur ai demandé de me donner ma chance car je rêvais de composer une musique de film. En plus, j’étais vraiment né dans le ghetto, et les films de l’époque ne parlaient que de ça. J’étais en tournée à ce moment là, et le studio m’avait appelé pour me dire que l’album devait être terminé en trois semaines. C’était impossible, mais j’avais une telle envie de faire ce disque que je suis allé à Muscle Shoals pour enregistrer cette chanson et les autres dès qu’on avait un peu de temps libre. “I was the third brother of five, Doing whatever I had to do to survive…” Le texte, c’est l’histoire de ma jeunesse et de mes quatre frères, Cecil, Curtis, Harry et Friendly, Jr. Il était prévu que j’écrive aussi le score, mais comme je n’ai pas eu le temps, c’est J.J. Johnson qui s’en est chargé.

Bobby Womack1

Le véritable générique du film c’est « Across 110th Street part II » (qui clôt l’album), le même thème en version jazzy et guitare psyché. Le score est une collection de grooves psychédéliques (« Do it right », « Hang on in there » version chantée) ou soul (« If you don’t want my love ») vénéneux dans laquelle la voix éraillée et grave de Bobby Womack fait merveille. Son timbre sent le vécu et incarne à la perfection ces histoires teintées de résistance sociale et de survie.

Bande originale de Across 110th street (Bobby Womack/J.J. Johnson)
Bobby Womack Across 110th street

La partie instrumentale est à l’avenant et lorgne plutôt du côté jazz-funk, soli de piano électrique, voire de la musique lounge, la version instrumentale de « If you don’t want my love » ressemblant à s’y méprendre à du Burt Bacharach. Elles sont toutes signées J.J. Johnson, premier tromboniste de l’ère be-bop, arrangeur hors pair, aussi connu pour sa composition Lament que pour sa contribution aux B.O. Blaxploitation ou pour la télévision (Starsky et Hutch, l’Homme qui valait trois milliards…).

Entre chaque morceaux sont intercalés des extraits des dialogues du film qui nous (re)plonge encore un peu plus dans l’époque.

À sa sortie en décembre 1972, le film n’aura aucun succès, à l’inverse de la bande-son et du titre « Across 110th Street” dont s’emparera Quentin Tarantino pour habiller son Jackie Brown presque vingt ans plus tard.

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CREDITS :

Enregistré en 1972 – USA – United Artists Records

  • Composed By – J.J. Johnson (tracks: A1, A2, A6, B1, B5)
  • Orchestra – J.J. Johnson & His Orchestra (tracks: A2, A4, A6, B1, B4)
  • Vocals – Bobby Womack (tracks: A1, A3, A5, B2, B3, B5), Peace (4) (tracks: A1, A3, A5, B2, B3, B5)
  • Written-By – Bobby Womack (tracks: A1, A3, A4, A5, B1 to B6)
Sources : www.discogs.com - https://soundsoftheuniverse.com - www.allmusic.com - www.cinezik.org - www.vibrationsmusic.com - www.jazzmagazine.com
  1. Extrait d’un entretien paru dans jazz mag – aout 2015 ↩︎

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