Juin 1969, Neil Young franchit un des pas les plus importants de sa carrière. A l’initiative du président d’Atlantic, Stephen Stills lui demande de le rejoindre au sein de Crosby, Stills & Nash. Le 18 août 1969, le quatuor donne son deuxième concert au festival de Woodstock, ce qui le consacre instantanément porte-parole de ce qu’on nommera la «Woodstock Generation».
Morrison Hotel (The Doors), entre blues éraillés et ballades vaporeuses
En 1969, les Doors déboussolent leurs fans en changeant leur fusil d’épaule avec The Soft Parade. Sur cet album moins viscéralement rock’n’roll, Jim Morrison ne signe que la moitié des compositions et le guitariste Robbie Krieger prend l’ascendant côté plume et étoffe même l’instrumentation du groupe californien.
White album (The Beatles), fourre-tout grandiose aux antipodes du psychédélisme ambiant
Le 22 novembre 1968, les quatre fabuleux publiaient un neuvième album double et blanc, fourre-tout grandiose enregistré dans une période de tumultes. A cette époque, les quatre font leur révolution. Pas celle des étudiants descendus dans les rues pour signifier leur ras-le-bol de ce qu’incarne les adultes. C’est avec eux-mêmes que les Beatles en décousent.
La B.O. de Roy Budd Get Carter, objet de culte certifié
Get Carter (La loi du Milieu) est un de ces films dits cultes qui semblent être avant tout parlants pour une génération donnée dans un pays donné : un film respirant l’Angleterre à chaque moment, une « anglicité » – ici populaire et sordide – inimitable. Passé un peu inaperçu à sa sortie en 1971, Get Carter est devenu trésor national britannique au milieu des années 90. La bande sonore tout aussi culte signée Roy Budd met en avant les bruits d’ambiance et la présence éparse de thèmes lancinant et minimalistes.
B.O. de Bullitt, quand Lalo Schifrin hisse les canons du scoring thématique
La bande originale de Bullitt, petit thriller policier parano de Peter Yates dont l’histoire retiendra surtout la prestation de Steve McQueen, est un modèle de raffinement mélodique, rythmique et harmonique. L’œuvre de Lalo Schifrin emprunte aussi bien au jazz qu’à la pop music, au blues qu’à la musique brésilienne. Avec cette bande son, Lalo Schifrin hisse les canons du scoring thématique et place haut la barre pour les B.O. à venir.
Travessia (Milton Nascimento), voyage au travers d’un Brésil loin des stéréotypes
Enregistré en 1967 avec le Tamba Trio, une formation carioca aux concepts novateurs, le premier album du chanteur, Travessia, marque les esprits. Avec Edu Lobo notamment, et parallèlement au Tropicalisme des Bahianais Gilberto Gil et Caetano Veloso, Milton contribue à définir la Musique populaire brésilienne (MPB) en convoquant non seulement les esthétiques urbaines (samba, bossa nova) mais aussi celles des campagnes nordestines et des forêts amazoniennes, tout en dialoguant constamment avec la poésie contemporaine – Fernando Brant est son fidèle parolier.
A new perspective (Donald Byrd), pièce atypique entre jazz et gospel
A ses débuts, Donald fait son entrée dans le groupe du batteur Art Blakey et ses Jazz Messengers. Dans les années 50, il remplace Clifford Brown au sein de ce tremplin extraordinaire avec, à ses côtés, Horace Silver au piano et Lou Donaldson au saxophone.
Os Afro Sambas (Vinicius de Moraes, Baden Powell), tandem idyllique de la MPB
En 1962, Baden fait la connaissance de celui qu’on surnommera très vite son «père spirituel», Vinicius de Moraes. De bossas novas en afro sambas, Vinicius et Baden forment peut-être le tandem le plus réussi de la musique populaire brésilienne. Leur relation très forte, passionnelle, est toujours guidée par le seul désir de faire de la musique vraie, pure.
Dave Pike Set Masterpieces, du free jazz à la world music
Longtemps partenaire du flûtiste Herbie Mann, Dave Pike a également joué avec Bill Evans, Paul Bley, Kenny Clarke. Issu du bebop, il explore différentes voies du jazz, se liant aussi bien avec la musique latine qu’avec l’avant-garde. Son album, The Doors of Perception, enregistré en 1966, retrace en musique les expériences décrites par Aldous Huxley dans son livre éponyme. Conservé sur les étagères d’Atlantic pendant plusieurs années avant de sortir sur le label Vortex, ce disque précipite le départ pour l’Europe du vibraphoniste.
Comme à la radio (Brigitte Fontaine), éblouissant météore sonore
En 1969, quand Brigitte Fontaine commence à concevoir Comme à la radio, elle n’est plus vraiment une jouvencelle. Agée de 30 ans, elle se fraie depuis le début des années 1960 une double voie de chanteuse et comédienne dans la jungle de la scène parisienne.
Bob Dylan Highway 61 revisited, surréaliste et débordant d’énergie blues brute
Il faut remonter à la première du Sacre du printemps de Stravinsky, qui avait provoqué une émeute en 1913 au Théâtre des Champs-Élysées, pour trouver le genre de controverse qui a explosé lorsque Bob Dylan a branché sa guitare le 25 juillet 1965 au Festival de Newport. Mais les huées des puristes de la folk devaient disparaître parmi les acclamations qui se sont élevées lorsque Dylan sorti Highway 61 revisited, un mois plus tard.
Blonde On Blonde (Bob Dylan), le son sauvage du mercure
A l’automne 1965, Dylan, dont les disques se vendent alors comme des petits pains (au mois de mai, il a classé pas moins de trois albums – Bringing It all Back Home, The Freewheelin’ et The Times They Are A-Changin’ – dans le Top 10), se met à composer les premiers morceaux de ce qui plus tard constituera Blonde on Blonde.
In a Silent Way (Miles Davis), tout droit vers le futur
Avec In a Silent Way, entouré par une pléiade de musiciens exceptionnels, Miles Davis intègre pour la première fois des éléments de rock et s’éloigne à jamais du jazz pur. Un ovni sidérant. Le 18 février 1969, une troupe de musiciens sort du studio d’enregistrement B. Les sentiments qui règnent chez les membres du groupe réunis pour l’occasion vont de la colère à l’incompréhension.
Parachute (The Pretty Things), épitaphe du rock psychédélique anglais
The Pretty Things, ou l’histoire de rendez-vous manqués… Au moment où sort cet album, cinq ans après leurs débuts discographiques « The Pretty Things », un premier album composé de reprises de Rhythm’n’Blues américain, le groupe de Phil May et de Dick Taylor a déjà connu de nombreuses péripéties.
Rosemary’s baby (Krzysztof Komeda), pinacle de la collaboration Polanski Komeda
Tout le monde connaît Krzysztof Komeda…sans le savoir. Oui, tout le monde a vu Rosemary’s baby, ou presque. Mais peux connaissent l’auteur de l’intrigante musique du film de Polanski, la berceuse du générique susurrée par une sensuelle voix féminine, n’était autre que le taciturne et charismatique Komeda, Polonais d’origine, venu à Hollywood à la demande de son grand ami et déjà star Roman Polanski.
Rides again (The James Gang), chef d’œuvre bicéphale
Après un premier album au succès mitigé, Fox, Walsh et Peters – The James Gang- retournent sans tarder en studio en novembre 1969. C’est au Record Plant de Los Angeles, studio d’enregistrement ultra moderne et toujours sous la houlette de Bill Szymczyk, que nos compères gravent ce chef d’œuvre bicéphale, une première partie électrique et une seconde semi-acoustique.
B.O. de un homme et une femme (Francis Lai), des histoires de hasards
La Bande originale de un homme et une femme est encore une de ces histoires de hasards, de circonstances, de ratés… Francis Lai et Claude Lelouch ne se rencontrent pas directement, mais par l’intermédiaire du parolier Pierre Barouh.
Bande originale de West Side Story, l’œuvre lyrique magistrale de Leonard Bernstein
L’idée de départ de West Side Story revient au chorégraphe Jerome Robbins qui souhaite faire une adaptation contemporaine de Roméo et Juliette dans les quartiers du Lower East Side de New York intitulé « East Side Story ». L’action se tiendrait au moment de la Pâque juive et catholique : les Montaigus seraient les catholiques, les Capulets, les juifs. » Mais le projet en reste là, Bernstein, Laurents et Robbins étant pris ailleurs.
Simon and Garfunkel, la quintessence d’un folk-rock délicat
Conciliant influences classiques, songwriting pop, folk échappé de Greenwich Village et harmonies vocales divines, Simon & Garfunkel ont fait du New York des sixties le carrefour des genres et des époques. Une constante: la grâce.
Dusty in memphis (D. Springfield), rencontre d’une diva blanche avec la musique noire américaine
En 1968, l’avenir semble scellé. La pop est out et le rock psyché in. Les interprètes de sexe féminin ont du mal à trouver des chansons à succès. Dusty Springfield ne fait pas exception. Ses derniers tubes, que ce soit d’un côté de l’Atlantique comme de l’autre, remontent à l’été 1966. Ahmet Ertegun, directeur visionnaire d’Atlantic Records, n’a pas d’idée précise sur ce qui deviendra Dusty in memphis mais comprend qu’elle est une interprète aussi douée qu’Aretha Franklin.
Black & Proud, la bande-son du Mouvement des droits civiques afro-américains
Au virage des années soixante, les musiciens afro-américains se mettent au diapason de la contestation. Du jazz à la soul, du funk au futur rap, ils promettent des lendemains qui détonnent. État des lieux de la bande-son du Mouvement des droits civiques. I have a dream. » Nul n’a oublié le discours de Martin Luther King sur les marches du Lincoln Memorial de Washington D.C. Le pasteur n’était pas le seul à rêver en cette année 1963.
Five Leaves Left (Nick Drake), folk progressif aux atmosphères sombres et mystérieuses
Malgré sa réticence pathologique à se produire en public, c’est durant l’une de ses prestations à Cambridge que Nick Drake est repéré par un membre des Fairport Convention : Ashley Hutchings qui le dirige logiquement vers son producteur Joe Boyd. Référent de la scène folk-rock britannique à l’époque, Joe Boyd produit alors Fairport Convention mais aussi l’Incredible String Band.
Electric Ladyland (The Jimi Hendrix Experience), ou la croisière d’un Capitaine Nemo psychédélique
Au cours de l’année 1967, l’Experience mené par Hendrix a donné pas moins de 255 concerts en Europe et aux Etats-Unis et enregistré deux albums. Are You Experienced et Axis: Bold As Love. Or, 1968 s’annonce sous les mêmes auspices. Pour tenir le coup, le groupe a recours à une multitude de drogues. Au point que le batteur Mitch Mitchell se promène en permanence avec une mallette
Night beat (Sam Cooke), l’album le plus intimiste du soul man
En 1960, Sam Cooke signe un contrat avec la maison de disques RCA et infléchit l’orientation pop de ses disques. Les nouveaux titres — « Chain Gang » (1960), « Cupid » (1961) et « Another Saturday Night » (1963) déchaînent toujours autant les passions.
Blue (Joni Mitchell), harmonies virginales et poésie désabusée
Après ses trois premiers albums, Joni Mitchell éprouve le besoin de prendre de la distance vis-à-vis d’un succès aussi croissant qu’angoissant. Elle témoignera quelques années plus tard au sujet de ce sentiment d’insécurité : « A l’époque, je me sentais sans défenses, comme l’emballage de cellophane d’un paquet de cigarettes, comme si je n’avais plus aucun secret pour le monde. Je n’étais ni forte ni heureuse. »
My Favorite Things (John Coltrane), l’art de l’étirement en jazz modal
Premier volet de cette trilogie, My Favorite Things témoigne d’une nouvelle étape fondamentale dans la discographie de John Coltrane. Après avoir atteint le paroxysme de son travail harmonique avec Giant Steps et, du même coup, une sorte d’impasse, les préoccupations de Coltrane sont en cette fin 1960 d’un autre ordre.
Hot Rats (Frank Zappa), assaut instrumental débarrassé de toute scorie potache
Si Miles Davis est l’instigateur du jazz fusion, Frank Zappa est son pendant rock. Le guitariste n’a jamais caché son ambition de créer une musique originale, mêlant les genres.Une étape dans ce sens est atteinte par l’artiste avec la parution du double album de The Mothers Of Invention, Uncle Meat, plongée profonde dans ses influences jazz et classiques.
Getz/Gilberto (Stan Getz & João Gilberto), mètre étalon mondial de la bossa nova
Succès et qualité sont comme le Soleil et la Lune : ils se courent après sans jamais se rencontrer, sauf, lors de rares éclipses.Tel est le cas de Getz Gilberto, un beau disque dont le succès commercial doit beaucoup à un concours de circonstances et à quelques malentendus.Au printemps 1961, le gouvernement américain donna un coup de pouce au destin du label Verve et contribua même à changer la face du jazz moderne, en envoyant le guitariste Charlie Byrd en Amérique du Sud dans le cadre d’une tournée diplomatique.
Gris-gris (Dr John), créature primitive du bayou et apparition de mardi gras
On peut remercier Sonny & Cher pour ce personnage historique du funk de La Nouvelle-Orléans. Alors qu’ils filment une émission de télévision à l’automne 1967, le duo fait don à l’un de ses musiciens de studio d’une partie du temps d’enregistrement qu’il a réservé : c’était Malcolm Robert Rebennack, pianiste et guitariste itinérant de la Nouvelle-Orléans.
B.O. de « l’affaire Thomas Crown » (Michel Legrand), presque un film musical
« J’arrivais en Amérique dans le but de vivre de nouvelles aventures après dix ans de cinéma français avec la Nouvelle vague ». Quatorze ans après ses débuts de compositeur pour l’image avec les Amants du Tage (1954) d’Henri Verneuil, Michel Legrand, encore auréolé du formidable succès des Parapluies de Cherbourg et des Demoiselles de Rochefort, se donne le challenge de l’Amérique.