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Au départ, les Novos Baianos se posent dans la droite lignée des tropicalistes, alors en exil : guitares bourdonnantes, psychédélisme enjoué et orchestral. Jusqu’à ce qu’un visiteur pour le moins étonnant vienne frapper à la porte de leur communauté hippie dans la Zona Sul de Rio. Son nom: Joao Gilberto, co-inventeur de la bossa nova et légende nationale.

L’année précédant Novos Baianos Acabou Chorare, Elis Regina chantait le besoin de partir vivre à la campagne pour connaître la paix, entourée de ses amis, de livres et de chèvres (Casa no campo). Encore une chanson tragique, encore un des ces nombreux chants de colère et de frustration à l’image de cette jeune génération “MPB” pleine de rêves étouffés par la dictature au pouvoir et le conservatisme de la société brésilienne.


Novos Baianos Acabou Chorare

C’est dans ce climat morose que sort Acabou Chorare des Novos Baianos. Le nom de l’album signifie « fini de pleurer» et sonne comme un manifeste contre cet état d’esprit d’abattement.

A cette période, le groupe a déjà sorti un premier album très rock passé inaperçu et vient de quitter son Bahia natal pour s’installer à Rio de Janeiro. Tous vivent ensemble en communauté dans un appartement du quartier de Botafogo comme des hippies avant de partir s’installer dans les environs ruraux de Rio.

A défaut d’avoir la démocratie, les Novos Baianos prennent la maison à la campagne, les amis et les chèvres chantés par Elis Regina, auxquels ils ajoutent un peu de drogue et beaucoup de football.

João Gilberto, comme eux originaire de Bahia et ami d’enfance d’un des membres, passe de nombreuses nuits en leur compagnie, les prenant sous son aile, jusqu’à finalement devenir leur gourou. De presque 20 ans leur ainé, il leur prodigue ses leçons de vie, voire de philosophie, et une respectabilité nouvelle – ils ne seront plus considérés comme des fumeurs de maconha mais comme les disciples du maître.

Novos Baianos Acabou Chorare
Novos Baianos Acabou Chorare

Éternel vagabond, João Gilberto retrouve cette effervescence artistique et cette simplicité dont sont statut de star l’avait sans doute éloigné. C’est à son contact que les Novos Baianos redécouvrent la musique brésilienne.

Peu à peu, ils incorporent choro, samba, bossa nova et baião, se mettent à la guitare sèche, au cavaquinho et au pandeiro tout en gardant l’énergie et la folie du rock. C’est Gilberto encore qui leur fait connaître la vieille samba Brasil Pandeiro d’un autre Bahianais installé à Rio, Assis Valente et qui deviendra un de leur grand tube.

Cette influence tutélaire ne va pas pour autant leur faire renier celles d’Hendrix et de Janis Joplin; elle va s’y combiner; sous les doigts véloces du groupe de choro A Cor Do Som (à l’œuvre sur l’instrumental « Um Bilhete Prâ Didi »), qui les accompagne en toute occasion. Une virtuosité avec laquelle rivalise le guitariste des Baianos, Pepeu Gomes, l’un des plus inventifs du pays, au jeu sec et chantant, encore très marqué par le psychédélisme dépouillé des sixties – la technique et les solos fiévreux en prime.

Novos Baianos Acabou Chorare
Novos Baianos Acabou Chorare

Il y a donc deux formations distinctes, plusieurs songwriters et un parolier parmi les nombreux membres de cette troupe, entre lesquels chaleur et communion semblent régner. Il est vrai que la reprise de « Brasil Pandeiro » d’Assis Valente, qui transfigure l’originale et déborde littéralement de l’envie de faire samber le monde entier laisse pensif sur l’ambiance qui devait régner alors.

Pas de mystère, les chansons du groupe, désormais installé dans une maison près des favelas de Jacarepaguâ, ont été intensément répétées, et cela s’entend. Tous jouent serré, notamment sur « Tinindo, Trincando » et « A Menina Dança ».

Et les notes de cavaquinho et craviola – instruments à respectivement quatre et douze cordes – de s’empiler comme des perles, tinter en denses filets, le tout mené par les cliquetis des percussions pandeiro et chocalho.

Cela n’exclut pas le lyrisme délicat, si profondément brésilien, des plus acoustiques « Swing de Campo Grande » et « Mistério do Planeta », chantés par Paulinho Boca de Cantor et illuminés par Pepeu Gomes.

Novos Baianos Acabou Chorare
Novos Baianos Acabou Chorare

Le titre Acabou Chorare vient directement de João Gilberto qui racontait que sa fille, Bebel, s’était montrée très courageuse déclarant « j’ai fini de pleurer » Acabou Chorare.

Les textes rayonnent d’optimisme et de joie. Des années après, Joao Gilberto se dira nostalgique de cette époque incarnée par les formidables images d’archives du groupe, notamment visibles dans les documentaires Filhos de Joao et Novos Baianos F.C., du nom du tout aussi exceptionnel album suivant de ces infatigables joueurs de foot.

Avec Acabou Chorare, les Novos Baianos réunissent en un coup de maître les frères ennemis d’alors, la musique post bossa-nova et le tropicalisme, la MPB et le rock. Loin de la gravité parfois géniale, parfois affectée de la MPB, l’album respire la joie, le désir, les rêves, la jeunesse, peut-être pas sans naïveté mais en tout cas sans niaiserie et avec une fraîcheur et un enthousiasme contagieux.

Novos Baianos Acabou Chorare

Ce grand vent de liberté conquiert immédiatement tout le Brésil avec autant de succès que sont Menina Dança, Besta é tu, et Preta pretinha.

Peut-être plus que les compositions très solides signées Moraes Moreira et Luiz Galvão, plus que la voix de Baby Consuelo, plus que les solos Jimi-Hendrixien de Pepeu Gomes, c’est cette énergie collective qui fait d’Acabou Chorare un disque génial.

Source : https://la-musique-bresilienne.fr/ – https://enciclopedia.itaucultural.org.br – https://www.franceculture.fr/

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CREDITS :

Enregistré en 1972 au Studio Somil de Rio de Janeiro – Som livre records

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