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Septième album de Bob Marley and the Wailers (cinquième album studio), sorti originellement en 1979, Survival est considéré comme le plus engagé. Les messages sont multiples, abordant à la fois les problèmes du monde, « So much trouble in the world », les dérives occidentales, « Babylon system », appelant à la lutte dans plusieurs titres dont « Top rankin » ou à l’unité dans « Africa unite ». Enregistré et mixé au tout nouveau Tuff Gong Studio, à Kingston, c’est un véritable retour aux sources après Exodus et Kaya, enregistrés à Londres. Pour Bob, Survival représente la première partie d’une trilogie encore plus militante que jamais.

En 1978, après quinze ans de carrière, et six albums avec ses Wailers chez Island, Bob Marley est devenu une icône mondiale. Il vient de sortir son album le plus populaire, Exodus, inondant les FM des tubes Waiting in Vain, Jamming ou Three Little Birds. Pourtant, il n’est pas satisfait de l’image qu’il dégage.

Assimilé au mouvement hippie et idole de la jeunesse blanche occidentale, il a été vexé par les critiques de Kaya, enregistré, comme Exodus, lors de son exil à Londres, où il s’est connecté avec les rebelles blancs locaux, les punks. Paru en mars 78, l’album est considéré comme son disque le plus léger, du fait de son titre (kaya est un surnom de la ganja) et de chansons douces comme Is This Love ou Satisfy My Soul.

Bob Marley Survival

Le personnage de Bob Marley est pourtant éminemment politique. En 1976, sur Rastaman Vibration, il chantait War, inspiré par le mémorable discours du chef d’Etat éthiopien Haïlé Sélassié, dieu vivant pour les rastas, le 4 octobre 1963 à l’ONU, qui appelait au respect des droits de l’Homme “sans considération pour la race”, devenu un hymne antimilitariste.

Mais Bob Marley n’est pas un pacifiste, c’est un militant, un révolutionnaire, et il entend le faire savoir avec ses prochains albums, dont il veut faire une trilogie politique et pour lesquels il a déjà les titres en tête, Survival, Uprising et Confrontation.

Après le One Love Peace Concert le 22 avril 78, durant lequel il réconcilie (provisoirement) les deux ennemis de la scène politique jamaïcaine, Michael Manley et Edward Seaga, il se lance dans un militantisme plus global en faveur de l’Afrique et conceptualise son prochain album Survival, qu’il enregistre en janvier et février 1979 à Kingston.

Bob Marley Survival
Bob Marley Survival

S’il enregistre avec ses musiciens habituels, Marley a cependant recours aux services d’Alex Sadkin pour peaufiner un disque de reggae différent. Pour la première fois, Chris Blackwell ne prend pas part aux enregistrements.

L’album s’ouvre par un murmure. « Un peu plus de de batterie !» ordonne doucement Marley au début de « So Much Trouble in the World ». Ce genre de petites phrases spontanées sont rares sur un album studio, (ces commentaires sont généralement faits au mixage, loin des micros). Mais Marley veut restituer la « vibe live», l’ambiance très organique et festive de cet enregistrement qui célèbre son retour « à la maison », dans son nouveau studio Tuff Gong.

« Dready got a job to do/And he’s got to fulfill that mission / « Le rastaman a un boulot à faire, et il doit remplir sa mission » prophétise aussi Bob Marley dans « Ride Natty Ride », autre titre de Survival, comme pour souligner qu’il se sait désormais investit d’un rôle qui dépasse les frontières du showbiz.

«Mais on va survivre dans ce monde de compétition » poursuit-il dans cette chanson qui comme tout l’album entremêle ses expériences personnelles récentes (la tentative d’assassinat), la cosmogonie Rastafari (« Babylone System ») et les grands combats de cette fin des 70’s et notamment ceux d’une Afrique et de sa diaspora qui luttent pour plus de liberté à travers le monde (« Zimbabwe », « Africa Unite », « One Drop »).

Bob Marley Survival
Bob Marley Survival

Bob Marley s’appuie toujours sur des références bibliques, il évoque la pierre angulaire, sans cesse délaissée par le bâtisseur, ainsi que le feu divin vengeur du prophète Ézéchiel comme l’expression d’une vision apocalyptique par laquelle le Tout Puissant reprend ses droits et punit par la destruction.

Marley parle de l’Afrique mais il veut aussi toucher le public noir américain : alors la sortie de l’album est fêtée à Harlem, au fameux club Apollo sur la 125e rue, un symbole de la culture noire américaine qui a consacré la carrière de Billie Holiday, James Brown, de Michael Jackson ou Lauryn Hill. Et même si le New York Times de l’époque juge que le chanteur se ramollit, ce public qui le fait rêver lui fait enfin un triomphe. Et Marley de lui chanter : « We’re the survivors, yes, the black survivors ».

La chanson Zimbabwe, largement diffusée parmi les guérillas noires en Rhodésie du Sud (l’ancien nom du pays), lui vaudra une invitation de Robert Mugabe, alors encore considéré comme un héros, pour célébrer l’indépendance.

Bob Marley Survival
Bob Marley Survival

Le 17 avril 1980, Marley la chante à Salisbury (aujourd’hui Harare) pour fêter l’indépendance de l’ex-Rhodésie, et investit 250 000 dollars pour organiser un concert dans ce pays qui n’a jamais vécu un événement d’une telle ampleur. Le morceau, sorti quelques mois plus tôt sur Survival, a été composé quelques années plus tôt lors de son premier voyage en Ethiopie. Quand Marley arrive, il est devenu l’hymne des “freedom fighters”.

Le nouveau drapeau du Zimbabwe se hisse devant le premier ministre Robert Mugabe, Indira Gandhi et le Prince Charles. Le stade de Salisbury devient alors aussi symbolique du combat du peuple noir que le stade zaïrois qui aura rendu célèbre le pays en accueillant le combat Foreman-Ali en 1974.

Il en ramènera un drapeau, qui flottera au-dessus de l’entrée de sa maison à Kingston, et surtout une nouvelle aura internationale.

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CREDITS :

Enregistré en janvier et février 1979 au Tuff Gong Recording Studio, Kingston – Island Records

Sources : https://pan-african-music.com - www.fnac.com - www.qobuz.com - www.discogs.com - www.allmusic.com - www.lesinrocks.com

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