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Second volet d’un triptyque qu’il ne pourra jamais achever, Uprising est encore plus sombre et plus sobre que Survival. Marley décide de délaisser définitivement les cuivres pour décupler l’impact du socle basse-batterie. Il poursuit ses fusions funk (« Pimper’s Paradise ») et disco (« Could You Be Loved ») en sublimant le jeu de guitare de l’Américain Al Anderson (« Zion Train »).

Cette année voit la sortie de Arise in Harmony de Third World, qui essuie en quelque sorte les plâtres de Tuff Gong, puis de l’immense Survival. Ensuite, Tuff Gong accueille les Wailers à l’exception de Carlton Barrett pour l’enregistrement de Hait H.I.M. de Burning Spear puis celui de Bob Marley Uprising. Beaucoup voient dans cet opus les premiers signes d’un déclin, alors qu’on peut y voir une maturité, une « fullness » complète.


Bob Marley Uprising

Le son, concocté par le génial Errol Brown à Tuff Gong, inauguré l’année précédente par un Marley fou de joie, est à la fois très sophistiqué et d’une propreté magique.

Les Wailers sont au sommet de leur art dans Uprising : on palpe l’osmose qui règne entre chacun d’entre eux, menés par un Family Man Barrett et son frère Carlton, impériaux.

Tyrone Downie, clavier des Wailers depuis des années, a pour cet album pris du galon en participant activement aux arrangements. Il confiait, il y a quelques années, que Bob était au courant de l’incurabilité de son cancer depuis plusieurs mois et qu’il se réfugiait dans un travail acharné pour oublier son destin.

Comme pour chaque album de Bob Marley, le son a évolué par rapport au précédent, le fantastique Survival. On y entend un peu plus de synthétiseurs, et, pour la première fois, il n’y a pas de cuivres. Les chansons ultra mystiques, comme « Zion Train », alternent avec des titres plus « légers » comme « Pimpers Paradise ».

Bob Marley Uprising
Bob Marley Uprising

« Could You Be Loved », tube imparable, évoque une fusion de sonorités jamaïcaines et nigériennes, afro-beat/disco/dancehall. Sur ce titre, Marley a fait appel au batteur Carlton ‘Santa’ Davis du Soul Syndicate.

Marley revient d’un voyage au Brésil lorsqu’il a l’idée d’écrire Could You Be Loved. Son séjour l’a enchanté, autant que l’accueil qu’il a reçu. Bob a toujours aimé ce pays, ne serait-ce que pour sa culture footballistique.

Électrisé, le jamaïcain se met à composer dans les airs, alors qu’il se trouve à bord de l’avion qui le ramène à la maison. Le thème n’est pourtant pas particulièrement joyeux, puisqu’il décrit la pauvreté et le manque d’éducation qu’il a observé autour de lui : «Ne les laisse pas te berner/Ou bien même t’éduquer». Ainsi commence le premier couplet.

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Could You Be Loved sera le premier single de « Uprising », le dernier album de Bob Marley à sortir de son vivant.

Souvenir du périple brésilien, les arrangements rythmiques utilisent la cuica, particulièrement employée dans la samba. Mais surtout, le titre a été conçu et calibré pour le marché américain qui résiste encore au chanteur rasta, ce qui explique son style assez différent de ses chansons précédentes. Le tempo a été notamment accéléré afin de concurrencer la scène disco qui fait alors fureur aux Etats-Unis.

Bob Marley Uprising

« Bad Card » dénonce les méthodes des politiciens jamaïquains. Mais à la grande déception de Marley, les chefs de partis se réapproprient la chanson et l’utilisent dans leurs meetings pour dénoncer la corruption de l’adversaire.

Les paroles de « Bad Card’ sont géniales. Déjà le refrain est à se mettre à genoux : « Dem a be tired to see our face, can ‘t get we out of the race » (« ils doivent en avoir marre de voir nos tronches, ils peuvent pas se débarrasser de nous »).

« Real Situation » semble avoir été écrit pour aujourd’hui, avec des lyrics quasiment prophétiques et carrément apocalyptiques comme « Seems like total destruction, the only solution ».

Bob Marley Uprising

Bref, le genre de message à faire écouter à tous ceux qui se font rejeter, ignorer par les autres, en espérant que ça leur remontera un peu le moral et leur donnera la force de ne pas désespérer et de continuer à essayer… « / want to disturb my neighbor/Cause l’m feelin’so right/i want to turn up my disco / Blow them to full watts tonigh (« J’ai envie de faire chier mes voisins / Parce que je me sens si bien / Je veux monter le volume de ma chaîne/ Balancer le son à fond ce soir »). Un gros bras d’honneur à tous ceux qui appellent les keufs dès qu’on dépasse les trois décibels de volume sonore…

Island a sorti en 1980 un maxi 45 tours de « Redemption Song » qui comprend la version avec les Wailers, ainsi qu’une version live de « I Shot The Sheriff ».

Bob Marley Uprising

À la même époque, le label de Marley, Tuff Gong, sortait une autre « band version » de ce titre, mais, ô bonheur, en version longue, avec, en face B, le fabuleux « Zion Express », version dubby de « Zion Train ». Le son de ce pressage jamaïcain est plus deep et semble un chouia plus lent. Une merveille. On est à des lieues de l’aseptisation des masterings réalisés par Island pour le marché occidental dans les rééditions et autres « deluxe re-issues ».

« Pimpers Paradise ». Voici un morceau d’une simplicité absolue, mais qui « tourne » : un beat straight four, une basse mélodique mais punchy, un synthé subtil et entraînant, une guitare rythmique en phase avec un joli petit piano. Tout cela a l’air si évident, et pourtant que de travail, que de répétitions il a fallu pour que le groupe soit si à l’aise. Mais le travail paie, en voici la preuve…

Bob Marley Uprising

Dernier coup d’éclat mystique de Bob avant de s’éteindre l’année suivante : Alors que les Wailers joue habituellement sur scène une version collective de « Redemption Song », Bob insiste pour l’enregistrer seul sur le disque, en guitare-voix. Il place la chanson à la fin de l’album, ce sera donc le dernier titre qu’il publiera de son vivant. On peut l’écouter comme un testament, une lettre de recommandation pour les générations à venir.

Sources : www.francetvinfo.fr – www.rtbf.be – www.liberation.fr – http://fp.nightfall.fr – www.qobuz.com

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CREDITS :

Enregistré entre janvier et avril 1980 au Tuff Gong Studio, Kingston – Island records/Tuff Gong

Voix, guitare – Bob Marley
Voix – I Threes (Rita Marley, Judy Mowatt, Marcia Griffiths), Joe Higgs sur Coming In From The Cold
Basse – Aston Barrett
Batterie – Carlton Barrett, Carlton Davis sur Coming In From The Cold
Guitare et voix – Junior Marvin
Guitare – Al Anderson
Clavier et voix – Tyrone Downie, Earl Lindo
Percussions – Alvin Patterson

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