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En duo, pour ne pas dire en complète osmose, avec son compatriote Johnny Dyani, le pianist sud-Africain Abdullah Ibrahim (ex Dollar Brand), nous invite à une grande leçon d’émotion, de retenue et de sérénité. Durant les années d’exil, la communauté sud-africaine n’a jamais cessé d’informer le monde de l’âme véritable de son pays.

Les conditions faites alors par le régime aux populations noire et métisse, avivées par le massacre de Sharpeville (mars 1960), conduisent Dollar Brand, comme d’autres artistes sud-africains, à un exil européen où l’accompagne sa future femme, la chanteuse Sathima Bea Benjamin.

Abdullah Ibrahim Echoes From Africa

Rejoint par ses partenaires, il reconstitue son trio à Zürich, se produit et enregistre à Paris, puis en Allemagne et au Danemark (Cafe Montmartre, Copenhague). L’occasion lui est donnée de rencontrer et de se faire entendre par Don Byas, Dexter Gordon, Ben Webster, John Coltrane ou Thelonious Monk.

La rencontre pourtant décisive, celle de Duke Ellington à Zürich en 1963, conduira Brand (mais aussi Benjamin, admirée par Ellington) à enregistrer sur sa recommandation à Paris pour le label Reprise (« Duke Ellington Presents the Dollar Brand Trio »).

Abdullah Ibrahim Echoes From Africa
Abdullah Ibrahim Echoes From Africa

Ainsi commence une carrière européenne puis américaine (Antibes, Londres, Newport…). Consécration suprême, Brand officiera comme pianiste de l’orchestre d’Ellington à l’occasion de quelques dates lors d’une tournée en 1966. La même année, il enregistre avec Elvin et Thad Jones aux côtés d’Hank Mobley. Sa palette s’enrichit alors de l’étude du violoncelle, auquel s’ajouteront bientôt divers instruments à vent ou percussion.

Revenu en Europe en 1968, en pleine période free (collaborations avec Barbieri, Tchicai, Cherry…) puis en Afrique du Sud et au Swaziland (où il fonde la Marimba School of Music), il devient musulman et prend le nom d’Abdullah Ibrahim.

Il tourne abondamment, en Europe à nouveau, aux côtés de Don Cherry, Carlos Ward, Johnny Dyani et Nana Vasconcelos, explore le solo, le duo, la grande formation, compose pour le Jazz Composer’s Orchestra…

Particulièrement présent au Cap et à Johannesburg au milieu des années 1970 (avec le ténor Basil Coetzee), Ibrahim regagne New York. Ses activités et rencontrent se multiplient, du duo (Archie Shepp, Max Roach, Johnny Dyani, Randy Weston) à un orchestre de douze musiciens (le Ujamaah 21st Century Collective).

Abdullah Ibrahim Echoes From Africa
Abdullah Ibrahim Echoes From Africa

En 1979, Abdullah Ibrahim et le regretté bassiste Johnny Dyani enregistrent Echoes from Africa. Si l’album ressemble comme deux gouttes d’eau aux dix précédents et aux dix qui lui succéderont, il y a, dans la solitude partagée de ces deux Sud-Africains, de ce balancement qui relève autant de Miles Davis que des déambulations continentales, de l’Ouest et du Sud, une sorte de perfection formelle.

Pianiste percussif dans la lignée d’Ellington et de Monk, il s’est progressivement ouvert à la dimension orchestrale du sonore qu’il pétrit, telle une pâte, à la façon d’un plasticien.

Abdullah Ibrahim reflète et incarne également le jazz – lieu d’échange et de dépassement par excellence d’une dialectique de la liberté et de la contrainte – par une conscience politique et sociale aiguisée par l’apartheid. À ce titre, il fut de ceux qui jouèrent à l’occasion de la cérémonie d’investiture de Nelson Mandela (1994).

Sources : www.afrisson.com – www.allmusic.com – https://pan-african-music.com – www.lemonde.fr

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CREDITS :

Enregistré en septembre 1979 au Tonstudio Bauer Ludwigsburg, Allemagne – Enja Records

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