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En 1968, la comète du label Saravah prend l’esprit et la forme d’une astronaute qui ira loin: Brigitte Fontaine. Qui est-t-elle ? Une folle égarée ? Ou une folle bien lucide et tout à fait géniale qui vole à Gainsbourg son arrangeur fétiche (Jean-Claude Vannier) et à la langue française les mots qu’elle arrange en chansons au vitriol ( “Je suis in-adaptée”, “Il se passe des choses”, “Éternelle”…). Avec ce premier opus, « Brigitte Fontaine est folle ? », Fontaine s’inscrit d’emblée comme une artiste indépendante, hors mode et hors norme.

1968 en France: le séisme du mois de mai a tout envoyé valser. Cette fois c’est sûr, la période Yéyé est bel et bien morte et enterrée. Le twist c’est has-been. Salut les copains, à une prochaine! Les chanteurs à texte dits « rive gauche » reviennent en force, Serge Gainsbourg en tête avec son album « Initial B.B » (contenant entre autres le tube éponyme, Bonnie and Clyde ou encore Comic Strip).

Et puis là, un ovni débarque dans le paysage musical francophone, une certaine Brigitte Fontaine et un album au titre qui lui collera à la peau pour les 50 prochaines années: « Brigitte Fontaine est…folle ? ».

Inconnue du grand public, cette jeune chanteuse (et comédienne) de 29 ans a déjà sorti, 2 ans auparavant, un disque passé totalement inaperçu intitulé « 13 chansons décadentes et fantasmagoriques », qu’elle considère comme un premier essai qui n’a pas sa place dans sa discographie.

Pour elle, « Brigitte Fontaine est…folle? » est son véritable premier album. Celle qui va devenir la reine des kékés avait-elle conscience, à ce moment-là, que cet album n’aurait absolument jamais aucun équivalent ?

« Brigitte Fontaine est…folle ? », c’est le mariage polygame entre les compositions musicales de Jacques Higelin, Olivier Bloch-Lainé et Jean-Claude Vannier, les arrangements de ce dernier et les textes incisifs, cyniques, fatalistes et sophistiqués de Brigitte Fontaine donne un chef d’œuvre à l’équilibre idéal.

On ne se lasse pas d’écouter les piques piquantes piquer les acteurs du monde culturel dans le name-dropping « Comme Rimbaud ».

La chanson « Je suis inadaptée » est sans conteste LE tube de l’album. Tube de l’underground bien entendu… Les phases bizarroïdes de la rencontre impossible entre la vie et la mort de « Dommage que tu sois mort » dessinée par Maurice Tapiero accentuent l’aspect existentialiste de cet opus.

Brigitte Fontaine est folle ?

Du surréalisme également au menu: avec les allégories blasées de « Il pleut » et de la pochette de l’album, inspirée d’une toile du peintre flamand Jérôme Bosch (surréaliste 400 ans avant la naissance du mouvement).

Tandis que « Blanche-Neige » se moque d’une certaine vision de la femme soumise et niaise, le féminisme intrinsèque à Brigitte Fontaine est exacerbé dans la chanson « Mon homme objet » (clippée par le plus inventif vidéaste de télévision de l’époque, Jean-Christophe Averty).

« Cet enfant que je t’avais fait » fait office de bouquet final. Glaçante et chaleureuse, cette chanson transgressive interprétée en duo avec Jacques Higelin conte l’avortement sur une douce berceuse.

« Brigitte Fontaine est…folle? » peut se targuer d’être la première réelle grosse sortie discographique des éditions Saravah fondées par Pierre Barouh. Les orchestrations de l’opus, aux sonorités exotiques de Jean-Claude Vannier font planer, font voyager, bien avant que Gainsbourg ne nous emmène en Jamaïque 11 ans plus tard, bien avant que la maman de l’épingle à nourrice-punk, Lizzy Mercier Descloux n’aille à la recherche des gazelles en 1984.

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CREDITS :

Enregistré en 1968 au Studio Davout – Paris – Savarah records

Musiciens: Brigitte Fontaine, Jean-Claude Vannier, Olivier Bloch-Lainé, Alain Clavier & Jacques Higelin 
Paroles & textes: Brigitte Fontaine 
Musique: Jean-Claude Vannier (1), Olivier Bloch-Lainé (2,3,4,5,7,8,9), Alain Clavier (6), Jacques Higelin (10,11) 
Arrangements: Jean-Claude Vannier 
Direction artistique: Pierre Barouh 
Remasterisation: 1991

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