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Jusqu’en 1970, la basse est souvent considérée comme un instrument secondaire, d’accompagnement. La plupart des bassistes de jazz jouent sur des contrebasses. Jaco Pastorius, lui, joue sur une basse électrique sans frettes. Il en joue vite et fort, à la manière d’un soliste. Avec ce premier album homonyme sorti en 1976, celui qui s’enduit les doigts de graisse de poulet avant de monter sur scène, va donner ses lettres de noblesse à la basse jazz.

Début des 70’s, Jaco s’installe à Miami. Alors qu’il joue pour l’orchestre du multi-instrumentiste Ira Sullivan et qu’il donne des cours à l’université, il se lie d’amitié avec Pat Metheny, qui lui présente le pianiste Paul Bley. Ils enregistrent ensemble en 1974 avec le batteur Bruce Ditmas un album, rebaptisé plus tard Jaco, en raison de la renommé que Pastorius va acquérir.

Toujours en 1974, accompagné d’Alex Darqui (piano électrique), Bobby Economou (batterie), Don Alias (percussions), Othello Molineaux et Sir Cederik Lucious (streel drums), il enregistre plusieurs “démos” historiques qui préfigurent son premier album (à écouter : “Modern American Music… Period ! The Criteria Sessions”, Omnivore Recordings).

Le 16 juin, le pianiste Paul Bley l’invite à enregistrer à New York pour son label Improvising Artists avec Pat Metheny (guitare) et Bruce Ditmas (batterie) : constitué de reprises de Carla Bley et d’originaux (dont un intitulé Jaco), l’album ne sortira que deux ans plus tard.

En 1975, le batteur de Blood, Sweat & Tears, Bobby Colomby, également chercheur de nouveaux talents pour Columbia repère Jaco et lui fait signer illico un contrat d’enregistrement avec le label Epic.

Jaco Pastorius

En octobre 1975, Jaco Pastorius capte ce premier véritable album solo à New York. Sa réputation grandissante lui permet de bénéficier de la contribution des meilleurs : Herbie Hancock, Narada Michael Walden, Sam Moore et Dave Prater alias Sam & Dave, David Sanborn, Michael et Randy Brecker, Lenny White.

Sur mon album, j’ai pris des risques sur tous les morceaux et chaque morceau est un petit miracle. Je n’ai fait aucune répétition, à cause du nombre de musiciens que j’avais sur l’album, je ne pouvais pas me permettre de les payer pour répéter et enregistrer. Donc, tout ce que je pouvais faire, c’était de jouer les morceaux plusieurs fois et de lancer l’enregistrement. Tous ceux qui ont participé à l’album étaient géniaux. Aucun d’entre eux n’a été un frein, car il y a beaucoup de musiciens qui se contente du minimum quand ça n’est pas leur album. Personne ne s’est comporté comme ça. C’est comme si la musique avait pris le meilleur de chacun. Je me contentais de dire : « Allez, c’est parti !

Jaco Pastorius1

Le titre d’ouverture « Donna Lee », un standard de Charlie Parker, est revu ici avec une intensité et une élégance comparables à l’original. Il joue le thème et le solo en double croches, en accords, avec une vélocité et une créativité totalement inconnues. Suit « Come On, Come Over » avec Sam & Dave au chant.

Jaco Pastorius

Idem avec Continuum, dont la finesse et la sensualité éclatent de toute part. Sa sonorité particulière lui confère une atmosphère éthérée teintée de mélancolie. Jaco s’en expliquera :

J’ai joué le morceau entier deux fois, note après note, voilà comment j’ai fait. Tout le monde pense que j’ai plein de matériel électronique, mais je n’utilise aucune pédale, aucun appareil. Tout sort de mes mains. Mais sur ce morceau en particulier, j’ai joué la mélodie entière deux fois note par note, le solo et tout le reste. C’est unique. Je voulais juste que ça sonne comme deux gars qui chantent un air de musique. C’est un des plus anciens. J’ai écrit ce morceau il y a environ six ans, il fait vraiment partie de moi. Alors qu’il y a des trucs que j’ai écrit récemment ou spécialement pour l’album qui n’ont pas été joués. J’ai joué ce morceau énormément de fois. Je le maîtrisais totalement (rires).

Jaco Pastorius

Dans Portrait Of Tracy, Jaco est seul, pour une musique tout en harmonique. Le reste est de la même veine. Qu’il s’agisse de salsa, de funk ou de jazz, la basse est autonome et d’une vélocité totale. D’où l’incrédulité des musiciens, même les plus expérimentés à la sortie du disque.

Plus fort encore. Jaco joue sur une basse dont il a retiré les barrettes de métal – un instrument fretless semblable au violon et dont la justesse dépend d’un contrôle des doigts au millimètre près. La légende veut que Jaco acheta cette basse chez un prêteur sur gages californien pour 90 $. L’instrument n’avait plus de frettes et était très endommagé. Jaco boucha les rainures laissées par les frettes absentes, ajouta une couche de pâte à bois et termina le travail en appliquant plusieurs couches de vernis Poly-poxy.

Jaco Pastorius

Je joue une fretless sur tout l’album sauf « Come On, Come Over » et « Portrait Of Tracy ». J’ai joué tout le reste sans frettes, simplement parce que c’est ce qui me semble être le plus approprié. Quand je veux utiliser un vibrato, c’est naturel. J’aime aussi les basses frettées, bien sûr, qui peuvent être utiles pour jouer plein d’accords en étant juste, tu vois ? Alors que sans frettes, c’est difficile de jouer des accords de plus de deux notes à cause de tes doigts. Enfin, c’est possible, je l’ai fait deux fois sur l’album, mais il faut que ce soit juste.

Jaco Pastorius

Disque riche et éclectique, il montre en réalité combien Jaco Pastorius, jeune blanc né en Pennsylvanie, aime la musique noire américaine. Jazz, funk, soul, tout y est dans un beau maelstrom de musiques dont la ligne vitale est cette basse démoniaque qui rebondit en tous coins des tweeters.

Jaco s’impose comme l’architecte d’un moment de grâce partagé avec des complices de goût. A sa sortie, ce chef d’œuvre fit l’effet d’une bombe atomique sur la scène jazz. Bombe dont la déflagration résonne encore aujourd’hui…

  1. Interview de Jaco Pastorius par Tony Bacon – été 1976 ↩︎

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CREDITS :

Enregistré en Octobre 1975 au Camp Colomby et au Columbia Recording Studios C&B, New York City

1. « Donna Lee » (Charlie Parker or Miles Davis) – 2:27

  • Jaco Pastorius – electric bass
  • Don Alias – congas

2. « Come On, Come Over » (featuring Sam & Dave) (Jaco Pastorius, Bob Herzog) – 3:54

3. « Continuum » (Jaco Pastorius) – 4:33

  • Jaco Pastorius – electric bass
  • Herbie Hancock – Fender Rhodes electric piano
  • Alex Darqui – Fender Rhodes electric piano
  • Lenny White – drums
  • Don Alias – congas

4. « Kuru/Speak Like a Child » (Jaco Pastorius, Herbie Hancock) – 7:43

  • Jaco Pastorius – electric bass
  • Herbie Hancock – piano
  • Don Alias – congas, bongos
  • Bobby Economou – drums
  • David Nadien, Harry Lookofsky, Paul Gershman, Joe Malin, Harry Cykman, Harold Kohon – violin
  • Stewart Clarke, Manny Vardi, Julian Barber – viola
  • Charles McCracken, Kermit Moore, Beverly Lauridsen – cello
  • Michael Gibbs – string arrangement

5. « Portrait of Tracy » (Jaco Pastorius) – 2:22

  • Jaco Pastorius – electric bass

6. « Opus Pocus » (Jaco Pastorius) – 5:30

  • Jaco Pastorius – electric bass
  • Wayne Shorter – soprano sax
  • Herbie Hancock – Fender Rhodes electric piano
  • Othello Molineaux – steel drums
  • Leroy Williams – steel drums
  • Lenny White – drums
  • Don Alias – percussion

7. « Okonkole Y Trompa » (Jaco Pastorius, Don Alias) – 4:25

  • Jaco Pastorius – electric bass
  • Peter Gordon – French horn
  • Don Alias – okonkolo, iya, congas, afuche

8. « (Used to Be a) Cha Cha » (Jaco Pastorius) – 8:57

  • Jaco Pastorius – electric bass
  • Hubert Laws – piccolo, flute
  • Herbie Hancock – piano
  • Lenny White – drums
  • Don Alias – congas

9. « Forgotten Love » (Jaco Pastorius) – 2:14

  • Jaco Pastorius – electric bass
  • Herbie Hancock – piano
  • David Nadien, Harry Lookofsky, Paul Gershman, Joe Malin, Harry Cykman, Harold Kohon, Matthew Raimondi, Max Pollinkoff, Arnold Black – violin
  • Stewart Clarke, Manny Vardi, Julian Barber, Al Brown – viola
  • Charles McCracken, Kermit Moore, Beverly Lauridsen, Alan Shulman – cello
  • Richard Davis – bass
  • Homer Mensch – bass
  • Michael Gibbs – string arrangement, conductor

Bonus tracks on 2007 reissue

10. « (Used to Be a) Cha-Cha » (alternate take, previously unreleased) (Jaco Pastorius) – 8:49

  • same as for track 8

11. « 6/4 Jam » (previously unreleased) – 7:45

  • Jaco Pastorius – electric bass
  • Herbie Hancock – Fender Rhodes electric piano
  • Lenny White – drums
  • Don Alias – congas
Sources : http://rock6070.e-monsite.com - https://reverb.com - https://jazzinfosfrance.fr - https://religionerf.wordpress.com - http://jnpassieux.fr - https://www.bassebruno.com - http://www.muziq.fr - www.jazzenligne.com - https://jacopastorius.com

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