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Le Mariage Collectif est une curiosité totale du cinéma post-hippie des années 70. Si ce film érotico-hippie de 1971 n’a, aujourd’hui, pas grand intérêt, sa bande sonore, elle, méritait bien une réédition. Dénichée dans une décharge par le D.A. du label Born Bad, cette œuvre mineure de Jean-Pierre Mirouze alias Jean-Pierre Guigon (et futur Jean-Pierre Sabar au sein du supergroupe French disco Arpadys) est, aux oreilles de tout vintage addict, une sucrerie délicieuse.

Fils d’un chef d’orchestre, Jean-Pierre Mirouze apparaît à la fin des années 50 parmi les membres de ce qu’on appellera l’école de Nice, aux côtés d’Yves Klein et du sculpteur Arman.

Arman sculptait à partir d’objets à l’époque ; il les cassait, les soudait. Un jour, il m’a fait rencontrer Pierre Schaeffer, qui lui aussi s’intéressait aux objets à sa façon, afin de construire une nouvelle musique. La connexion était naturelle.

Jean-Pierre Mirouze

Le Mariage Collectif – Jean-Pierre Mirouze

Mirouze finit par débarquer à Paris et rejoint le Groupe de recherches musicales (GRM), cellule de l’ORTF où s’invente alors la musique concrète. Là, sa trace a été effacée par les ans, mais il assiste Pierre Henry et arpente «l’Egypte, le Maghreb, l’Afrique de l’Ouest» avec le cinéaste Jean Rouch.

Je m’intéressais surtout au rapport entre la musique et l’image. Mais, à un moment, il a fallu que je trouve de quoi vivre. J’ai cherché du côté de la télévision, où je me suis retrouvé à faire des habillages et des indicatifs, des petits événements sonores fugitifs. On inventait l’illustration sonore au fur et à mesure que la télévision s’inventait.

Jean-Pierre Mirouze

Repéré parmi les musiciens maisons capables de conjuguer ambition artistique et réussite visuelle, Mirouze est embarqué dans l’émission télévisée Dim’ Dam’ Dom’. Il en sera le directeur artistique jusqu’au début des 70’s.

Le Mariage Collectif – Jean-Pierre Mirouze

C’est là qu’il rencontre Hervé Lamarre, qui l’embarque dans l’aventure du Mariage collectif, mais auparavant l’associe à une barbouzerie transatlantique à peine croyable.

Je ne sais pas comment il a fait, mais il s’est procuré le film de Zapruder [le plus connu des films amateurs de l’assassinat de JFK, ndlr] en entier et m’a demandé de faire une musique pour un long métrage qu’il préparait autour, où l’on voyait bien qu’il y avait plusieurs tireurs.

Jean-Pierre Mirouze

Ce film, couplé à un livre titré Farewell America, est en fait une opération montée de toutes pièces entre l’équipe de Bobby Kennedy et les services secrets français afin d’alimenter la thèse d’un complot mêlant cartels du pétrole et opposants aux Kennedy… Livre et film finiront enterrés après l’assassinat de Bobby en 1968 – quant à la musique, elle semble perdue à jamais.

En 1971, Mirouze retrouve malgré tout Lamarre qui vient de terminer le tournage au Danemark du film « Le mariage collectif ». Il est question de vie en communauté et de liberté sexuelle. En réalité c’est un navet un peu confus dans lequel évocation de la Beat Generation, idéalisme hippie cheap et plans culs bien gentillets se télescopent, dans une œuvre sans grand intérêt. Pour sa b.o., c’est une autre affaire.

Le Mariage Collectif – Jean-Pierre Mirouze

Jean-Pierre Mirouze, parce qu’il est lié à « Dim Dam Dom » est censé apporter une touche branchouille au projet.

Le premier titre, « together », chanté par Barry Green (caméléon qui connaîtra son quart d’heure de gloire sous le pseudonyme de Barry Blue), est un vol sans effraction du Concerto d’Aranjuez (1939). Serge Gainsbourg n’était-il pas déjà coutumier du fait avec Chopin ? Le parallèle n’est pas innocent. Les arrangements de cordes de Jean-Pierre Mirouze ne sont pas sans rappeler ceux de Jean-Claude Vannier.

Quant au second, Sexopolis, re-sacralisé sur la compilation Shake Sauvage de 2000, fait jeu égal avec “En Mélodie”.

Les sept autres pièces, tout en élans du cœur, férocités free jazz et volutes psychédéliques sont du même tonneau. « Tivoli Garden », « Tivoli by night » sont marquées des influences ethniques de Mirouze. Il faut se rappeler de ses recherches sur les instruments africains qui l’amèneront à multiplier les voyages sur le continent et à devenir un fervent défenseur de la « World Music ».

Le Mariage Collectif – Jean-Pierre Mirouze

A l’issue de ces sessions, 9 morceaux sont pressés sur quelque acétates pour prospecter les maisons de disque, mais rien n’aboutira et ils finiront à la benne… Seul un single avec « Together » et « Sexopolis » sortira la même année dans l’anonymat chez AZ records.

Il faudra attendre 2010 pour que l’un des précieux acétates soit retrouvé dans une décharge en banlieue parisienne, restauré et réédité dans les règles de l’art par le label Born Bad. Graal à ranger aux côtés des meilleures productions de Michel Legrand et Philippe Sarde.

Dans la foulée du « Mariage collectif », Jean-Pierre Mirouze s’essayera sans succès à la comédie musicale avant de réaliser des courts métrages, documentaires et émissions scientifiques pour la télévision française.

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CREDITS :

Enregistré en 1971 – Disques Bagatelle

Sources : www.bornbadrecords.net - www.liberation.fr - https://le-drone.com - www.fnac.com - www.paris-move.com - https://touchablemusic.ch - www.ultramagnetique.com

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