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C’est une page oubliée de l’histoire musicale nippone qui reprend depuis quelques temps la lumière. Celle de l’inclassable Wamono, ce mouvement musical populaire et multi-genres (Rare Groove, Jazz-Funk, Soul, Disco Made In Japon) qui pris son essor dans l’archipel dès les années 60 et qui fait ces dernières années le miel des diggers du monde entier. Parmi eux, le Jazz fusion de Jiro Inagaki et ses Soul Media est digne des grandes heures du genre.

On a coutume de dater la naissance du jazz japonais – le vrai, le deep – au milieu des années 1960, quand l’arrestation de plusieurs musiciens américains en tournée dans l’Archipel pour possession de drogues convainc les autorités de durcir leur politique en matière de délivrance de visas.


Jiro Inagaki & soul media funky stuff

Jusqu’alors, le Japon est surtout un havre mélomane pour les jazzmen en visite. Interdit sur les ondes pendant la guerre, le jazz devient une monnaie d’échange culturelle pendant la reconstruction. De nombreux musiciens postés dans l’armée (parmi lesquels Frank Foster ou Oliver Nelson) ont besoin d’employer des musiciens locaux pour les accompagner dans les clubs où se distraient les GI.

Le «funky boom» qui survint dans les années 1950, porté par des ensembles comme le Modern Jazz San-in No Kai ou le trio de la pianiste Toshiko Akiyoshi, s’épanouit ensuite sans trop se soucier d’authenticité : l’heure est à la copie presque conforme des courants en vogue à New York ou Chicago, et les rares tentatives d’émancipation sont mal vues par une presse spécialisée très à cheval sur le purisme.

Jiro Inagaki & soul media funky stuff
Jiro Inagaki & soul media funky stuff

Tout change au mitan des sixties, quand la manne de musiciens en visite se réduit considérablement. Sous l’impulsion notamment du flûtiste et saxophoniste Sadao Watanabe, qui a fait ses armes au Berklee College of Music de Boston, le jazz cesse d’être un art d’importation pour devenir un art japonais.

Dans son prolongement, le Wamono, mouvement musical populaire et multi-genres né au Japon, recouvre des compositions originales ou des reprises de morceaux japonais, américains, inspirés de Rare Groove, Jazz-Funk, Soul et de Disco Made In Japon.

Il y a toujours eu de très bons musiciens au Japon, que ce soit dans les années 60, 70 ou 80. L’originalité de leurs interprétations tient au fait qui mêlent à la fois la culture japonaise et cette influence des différentes musiques « groove ».

DJ Chintam
Jiro Inagaki & soul media funky stuff
Jiro Inagaki & soul media funky stuff

Parmi les productions de jazz fusion de l’époque, l’opus instrumental du saxophoniste et flûtiste Jiro Inagaki et de sa formation Soul Media atteint des sommets. Cet album jazz-funk qui se veut résolument afro-américain, allie l’éclat du jazz rock et l’élasticité de la great black music.

Les huit titres de cet LP envoûtent par leur épure et le soin apporté aux arrangements du pianiste Hiromasa Suzuki. Surnommé ‘Colgen’ au Japon, on lui doit notamment deux albums mêlant jazz-fusion et instruments traditionnels japonais (Rock-Joint Biwa et Rock Joint Cipher sur le label RCA), des albums orientés jazz-funk (High-Flying, Skip Step Colgen) et le célèbre album du groupe Electro Keyboard Orchestra, dont il fait partie avec d’autres illustres pianistes japonais tels que Yuji Ohno ou Hideo Ichikawa.

La première chose à laquelle j’ai pensé en faisant cet album c’était d’éviter de créer un album à la sonorité uniquement japonaise. Nous voulions nous assurer que nous ne ressemblions pas au funk japonais alors en vogue. J’ai écouté les œuvres des Crusaders, de Hancock, de Sly et d’autres, les pionniers de musique funk. J’ai réfléchi à ce qui m’attirait le plus. La caractéristique du funk c’est, avant tout, les motifs rythmiques. Il y a plusieurs sortes de funk. Celui d’Oakland et celui de New York sont complètement différents. De même, celui basé sur le jazz et celui basé sur la pop sont tout aussi différents. Une chose qu’ils ont en commun, ce sont les schémas rythmiques, les pulsations, les éléments clés du funk.

Jiro Inagaki
Jiro Inagaki & soul media funky stuff
Jiro Inagaki & soul media funky stuff

Ici, le funk y est strictement instrumental et repose sur une base très jazz. Toutes les titres méritent d’être écoutées, comme « Painted Paradise », tout en dynamisme et vélocité, « Breeze », où le funk et le moelleux coexistent, et une reprise de « Funky Stuff » de Kool & The Gang.

Sur le titre « Scratch » du tromboniste Wayne Henderson, la formation guitare, basse, batterie, auxquels s’ajoute le trombone, rendent justice au jazzman de manière exemplaire.

« Funky Motion » nous offre un solo introductif du bassiste Akira Okazawa fredonnant l’impro qui ferait le bonheur de tout sampler averti. Des cuivres tranchants, un travail de batterie précis, des accords de piano électro discrets, tout y est.

La ballade « One For Jiro » même si un peu sirupeuse joue un rôle mineur au vu de l’abondance restante de grooves bien faits.

Le pianiste Hiromasa Suzuki contribue aux trois quarts des huit titres de ce disque sorti exclusivement au Japon.

Si les beats, très funky sont empruntés aux grands noms américains, le produit final reste purement nippon, notamment par le niveau de maîtrise technique, musicale et harmonique impressionnant du groupe et un son digne des Headhunters.

Source : https://next.liberation.fr – www.hmv.co.jp – https://modulor-records.com

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CREDITS :

Enregistré en août 1974 au Nippon Columbia Studio No. 2 – Tokyo – Columbia records

TITRES :

1 – Painted Paradise (Written-By – Hiromasa Suzuki)
2 – Funky Motion (Written-By – Hiromasa Suzuki)
3 – Breeze (Written-By – Hiromasa Suzuki)
4 – Scratch (Written-By – Wayne Henderson)
5 – Funky Stuff (Written-By – Kool & The Gang)
6 – One For Jiro (Written-By – Hiromasa Suzuki)
7 – Gentle Wave (Written-By – Hiromasa Suzuki)
8 – Four Up (Written-By – Hiromasa Suzuki)

Cette publication a un commentaire

  1. alkristo

    Merci pour cet article, j’ai appris pleins d’infos sur le parcours de ces musiciens exceptionnels.
    De très très bons albums, assez confidentiels jusqu’a ces rééditions récentes. C’est génial de découvrir toute ces musiques dingues aujourd’hui.

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