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Un an après Forces of Victory, Linton Kwesi Johnson et Dennis Bovell enregistrent un nouveau chef-d’œuvre, Bass Culture, à haute teneur d’infrabasses et de politique en fusion. Le duo pousse encore plus loin l’épure instrumentale pour ne servir que les mots affûtés de LKJ, le poète au chapeau et aux paroles tranchées, ainsi que la guitare en fil de fer barbelé de John Kpiaye.

Après deux premiers opus, « Dread, Beat An’ Blood » (1978) et surtout « Forces of Victory » (1979) devenu un classique, LKJ poursuit avec l’album « Bass Culture » sorti en 1980. Abordant sans complexe les thématiques de la révolution, du racisme, de la répression, LKJ se méfie du rastafarisme qu’il considère, en marxiste, comme une illusion. Sur scène, il apparaît dans un costume classique, un rien étriqué, planqué sous son éternel feutre, style qui tranche avec les tenues de scènes bariolées des musiciens de reggae traditionnel.

La chanson-titre « Bass Culture » évoque le skank de la guitare et le rumble (vrombissement) de la basse, usant de toute la richesse phonétique de ce que le poète et universitaire bajan Kamau Brathwaite baptisa « langue de la nation », en opposition à « patois » ou « dialecte », les termes péjoratifs désignant le plus souvent la langue anglo-jamaïcaine.

« Street 66 », dont le riff d’harmonica annonce une catastrophe imminente, parle d’une fête interrompue par l’arrivée de la police : « Bam, bam, bam, a knocking ‘pon the door ». Weston, l’organisateur de la fête, dit « Step right in and take some licks », qui sont les dernières paroles de la chanson. C’est l’un des meilleurs exemples de poésie dub et de Linton Kwesi Johnson.

« Reggae Fi Peach » aborde explicitement le meurtre de Blair Peach par le SPG (CRS britanique) : « Everywhere you go it’s the talk of the day, everywhere you go you hear people say that the special patrol them a murderer, we can’t mek them get no furtherer« .

LKJ Bass Culture

Autre particularité, LKJ choisit d’exprimer sa poésie uniquement en patois jamaïcain: une manière de donner au créole ses lettres de noblesse.

Sur « Di Black Petty Booshwah » (en bon français : « les petits-bourgeois noirs »), morceau phare de son troisième album, il attaque les membres trop intégrés de la communauté noire, les accusant de prendre le parti de « l’oppresseur ».

Sur « Inglan is a Bitch » (« L’Angleterre est une plaie »), Linton témoigne de la dure vie des premiers immigrés caribéens, qui chaque jour s’échinent à trouver des petits boulots : bienvenue à « Landan toun » (London Town) où il faut accepter tout ce qu’on propose, y compris bosser « dans le métro ».

Sorte de commentaire audacieux sur l’austérité que Margaret Thatcher impose alors à la Grande-Bretagne, la production signée Bovell use et abuse judicieusement des techniques du dub comme la reverb, les filtres et le gate.

Linton récitera même le poème a capella à la télévision britannique en 1980, dans l’émission de référence The Old Grey Whistle Test.

LKJ Bass Culture

En 1981, Linton lancera son propre label, LKJ Records, afin de publier le travail de ses pairs poètes, dont Jean « Binta » Breeze. Linton continuera cependant de publier certaines de ses compositions sur Island Records avec notamment Making History en 1984.

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CREDITS :

Enregistré en 1980 au Gooseburry Sound Studios (London, UK) – Island records

Sources : https://pan-african-music.com - www.telerama.fr - www.nova.fr - http://graphikdesigns.free.fr - www.waxpoetics.com - www.discogs.com - www.routedesfestivals.com

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