• Post category:ARTISTE
  • Auteur/autrice de la publication :
  • Temps de lecture :13 min de lecture

Bob Dylan ne met pas tout le monde à l’aise. Leonard Cohen peut intimider. Neil Young a son caractère mais il a ce talent d’être avec vous tout de suite. Il n’habite pas en haut d’une tour. Même dans les palaces hollywoodiens, il garde son côté fermier, de plein-pied.

Neil Percival Young naît le 12 novembre 1945 à Toronto (Ontario). Il grandit à Winnipeg (Manitoba) avec sa mère, après que celle-ci a divorcé de son père, journaliste sportif canadien célèbre. Il se met à la musique au lycée, alternant entre son groupe de garage rock, The Esquires, et les clubs locaux de folk, où il croise le chemin de Joni Mitchell et Stephen Stills. Ayant joué dans des groupes pendant son adolescence, puis en solo dans des bars de Toronto, Neil Young est à la fois un interprète de musique folk et de rock lorsque, en 1966, il arrive à Los Angeles.

Alors que Bob Dylan se coupe d’une partie de ses fans en électrisant sa musique (le magnifique Live 66 ), Neil Young débute au sein du groupe pop Buffalo Springfield dont l’existence durera officiellement 25 mois. Guitariste solo, il acquiert au contact de l’excellent guitariste et compositeur Stephen Stills (qu’il suivra dans Crosby, Stills, Nash and Young) l’expérience de la scène et l’envie d’écrire et de chanter pour lui-même.

Neil Young
Neil Young

Buffalo Springfield produira trois albums (Buffalo Springfield  en 1966, Buffalo Springfield again  l’année suivante, Last time around  édité après la rupture) qui reflètent les difficultés d’existence du groupe liées à l’insuccès commercial des deux premiers disques et au conflit ouvert entre Stephen Stills et Neil Young.

Celui-ci s’absente souvent, lors de promotions télé du groupe ou pendant des festivals prestigieux (Monterey Pop Festival de 1967) et de fait, ne propose à ses compagnons que des chansons déjà achevées et arrangées (les superbes « Expecting to fly » et « Broken Arrow »). De cette aventure collective, il reste leur second album  Buffalo Springfield again  qui marque l’histoire de la musique des années 60 avec que deux morceaux de légende (« Mr Soul  » de Neil Young dont la rythmique est empruntée au « Satisfaction » des Rolling Stones, « For What It’s Worth » écrit par Stephen Stills, classé 7ème dans les charts).

Neil Young
Neil Young

Seul, le solitaire sort son premier album solo, Neil Young, en 1968, marqué par l’orchestration luxuriante de Jack Nitzsche (qui officiait déjà sur certains morceaux du Buffalo) mais duquel ressortent quelques perles (« The Loner ») avant de s’achever sur un surréaliste « Last trip to Tulsa » de 9 minutes où Neil Young n’apparaît pas plus clair que son texte.

Au moment de l’enregistrement de son deuxième album, Everybody knows this is nowhere, en 1969, naît la première collaboration avec le Crazy Horse, groupe qui l’accompagne encore. Neil Young rejoint bientôt Crosby, Stills et Nash pour former une des groupes majeurs des 60’s.

La perfection de l’ensemble n’a d’égale que le talent individuel des quatre créateurs du groupe qui composent et jouent alors une série de chefs d’?uvre portés par de magnifiques harmonies vocales et de longs échanges de guitare entre Stephen Stills, Neil Young et David Crosby que l’on retrouve dans le fameux Déjà vu de 1970 mais surtout en concert au Filmore East de New-York au printemps 1971 (4 Ways Street ).

Neil Young
Neil Young

« Helpless », « Country girl », « Almost cut my hair » sont les témoignages de cette deuxième tentative de vie en groupe de Neil Young qui, comme il l’avait fait au sein du Buffalo, ne cessera de se démarquer des autres musiciens au point de réserver ses meilleures chansons pour les albums solos (After The Gold Rush) qu’il compose en parallèle.

Détestant jouer dans les stades ( lors du concert événement de Woodstock en 1970, il menace de ne pas jouer si les caméras ne sont pas éteintes et n’apparaît donc pas sur le film), il reproche également aux autres leur manque de spontanéïté (arrangements sans fin des chansons studios) et leur égocentrisme ce qu’il résumera en qualifiant Déjà vu  d’album enregistré par CSN plus Y.

L’énorme succès du groupe, en fusion totale avec l’époque, (chansons contestataires sur le Vietnam ou sur les droits civiques telles « Ohio » et « Southern man ») tournera hélas la tête de ses membres qui feront leur dernier concert à leur pic de popularité en juillet 1970 avant de chacun commencer une carrière solo de courte durée, sauf pour Neil Young qui voit rapidement sa stratégie de distanciation récompensée au moment où le courant contestataire s’essouffle et que la jeunesse américaine acquiert une vision plus cynique et moins naïve du monde.

Neil Young
Neil Young

La vie communautaire passe de mode et Neil Young peut repartir en solitaire et en tête des ventes avec Harvest  en 1972, album qui s’affranchit des mauvaises critiques pour obtenir un succès immédiat porté par le tube « Heart of Gold ».

Neil Young tient là sa première récompense individuelle mais n’aura pas le temps d’en profiter longtemps, l’annonce de la mort par overdose de son guitariste et ami Danny Whitten, membre du Crazy Horse, le plongeant dans une phase dépressive qui paradoxalement l’inspirera au point que deux des trois albums (la trilogie de la boue) qu’il enregistrera durant cette sombre période sont aujourd’hui considérés comme ses meilleures productions : oublier le concert haï de la tournée des stades, Times fade away, pour mieux apprécier le disloqué Tonight’s the night, enregistré en studio mais en direct, et la perle On the beach , purges claustrophobiques censées extirper le mal par le jeu, où le restant du Crazy Horse, retrouvé pour l’occasion, se noie dans l’alcool et dans des blues frustrés aux rythmes décalés et aux chants plaintifs.

Neil Young enterre là son rêve hippie et rentre dans l’âge de l’amertume au cours d’une tournée déroutante où le public médusé, au lieu des balades country d’Harvest, assiste à la mise à nu de l’âme du plus que jamais Solitaire à travers des monologues sans fin sur Danny Whitten et Bruce Berry, autre proche de Neil Young, décédé lui aussi.

Neil Young
Neil Young

La rédemption viendra par le collectif, d’abord avec Stephen Stills pour une expérience de courte de durée qui débouchera sur l’ album Long may you run  et une tournée que Neil Young abandonnera en plein milieu, puis par une série de disques avec le Crazy Horse et son nouveau guitariste : Zuma  et Rust never sleeps  en sont les exemplaires les plus notables, le point culminant étant atteint avec Live Rust qui résume la schizophrénie du canadien à travers ses deux faces acoustique et électrique.

Les années 80 voient l’artiste tenter de trouver à tout prix une issue à ses malheurs récurrents (ses deux enfants se révèlent autistes) en s’aventurant sur les territoires extrêmes de l’électronique-rock, du rock’n’roll rose bonbon et de la country traditionaliste ringarde avec un insuccès mérité.

Le retour en grâce du guitar-hero se produit au moment de la vague grunge qui reconnaît en lui l’un de ses précurseur au titre de ses larsens légendaires et autres murs du son qu’il retrouve avec bonheur en même temps que son Crazy Horse : en 1990,  Ragged Glory  le voit monter sur ses grands chevaux et relance une carrière qui, on se refait pas, alterne alors projets acoustiques en solo (la suite d’Harvest :  Harvest Moon ) et cavalcade électrique avec le Cheval Fou ou même les jeûnots de Pearl Jam.

Il exorcise patiemment la mort de Kurt Cobain, leader du groupe Nirvana, par des chansons dans lesquelles l’amour prend une place prépondérante sans pour autant retenir la rage qu’il porte en lui dans son dernier opus, Living With War, brûlot incandescent adressé à l’Amérique et à son président responsable de la guerre en Irak qui rappelle à Neil Young les cauchemars du Vietnam.

Neil Young
Neil Young

L’homme revisite ainsi son passé, au grès des reformations épisodiques de Crosby, Stills, Nash et Young, et des parutions d’inédits tirées de ses archives (en 2006, le Live At Filmore East enregistré en 1970) et illustrant l’extraordinaire créativité d’un auteur-compositeur qui aura su se démultiplier en solo ou en groupe et créer tous azimuts un répertoire qui indubitablement prend place parmi les classiques de la musique rock.

Après un Fork In The Road passable au printemps 2009, Neil Young revient avec son compatriote producteur Daniel Lanois pour le superbe album Le Noise (son 34ème paraît-il) aussi volontaire sur le plan électrique qu’engagé sur le plan humanitaire. Parallèlement à sa sortie, le « Loner » embarque en septembre dans une tournée de soutien à la région louisianaise touchée de plein fouet par la catastrophe pétrolière BP. Le Noise est ensuite récompensé par un Juno et un Grammy Award.

Puisant dans ses archives, Neil Young en ressort une nouvelle et heureuse curiosité avec A Treasure (juin 2011), album simple proposant une douzaine d’extraits de la tournée 1984-85 avec son groupe d’alors The International Harvesters. L’opus à tendance acoustique contient quelques classiques et cinq titres inédits dont « Amber Jean ».

###

ANECDOTES

Motown

Après le divorce de ses parents, Young s’installe avec sa mère à Winipeg. Il se met à la musique au lycée, alternant entre son groupe de garage rock, The Esquires, et les clubs locaux de folk. Il revient à Toronto au milieu des années 60 et joue du folk en solo. Il rejoint les Mynah Birds en 1966, avec Bruce Palmer et Rick James (oui, tu as bien lu : le roi du funk !), le temps d’enregistrer quelques singles pour la Motown qui resteront dans l’ombre.  Frustré, Neil Young embarque avec Palmer dans sa Pontiac, direction la cité des anges : Los Angeles.

L’infâme Ronald R.

Irascible, cyclothymique et diva sur les bords, le père Young n’a pas démérité côté dérapages mégalo tout au long de ses neigeuses seventies – et même un peu après, d’ailleurs…

Quand il ne foutait pas sur la tronche de David Crosby, Graham Nash ou Stephen Stills – avec une préférence pour ce dernier, son ennemi juré – pour d’obscurs désaccords sur l’harmonie d’une note qu’il était le seul à entendre ou ne volait pas un camion, avec la complicité de Jimi Hendrix, pour arriver à l’heure à Woodstock, le schizo auto-destructeur s’amusait entre deux crises d’épilepsie à soutenir l’infâme Ronald Reagan (« some things he did were terrible, some things he did were great… ») et, plus généralement, à laisser derrière lui, selon ses propres mots « a lotta destruction… a big wake »…

Unanimement conspué par tous ses ex-collègues de travail – à juste titre selon l’intéressé même – notre Canadien préféré reste pourtant curieusement touchant, même au plus fort de ses excès…

Laisser un commentaire