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Get Carter (La loi du Milieu) est un de ces films dits cultes qui semblent être avant tout parlants pour une génération donnée dans un pays donné : un film respirant l’Angleterre à chaque moment, une « anglicité » – ici populaire et sordide – inimitable. Passé un peu inaperçu à sa sortie en 1971, Get Carter est devenu trésor national britannique au milieu des années 90. La bande sonore tout aussi culte signée Roy Budd met en avant les bruits d’ambiance et la présence éparse de thèmes lancinant et minimalistes.

Roy Budd, pianiste de jazz anglais, travaille d’abord pour le petit écran (la série « Mr Rose » en 1967) avant de composer sa première bande originale de film trois ans plus tard pour le western américain « Soldier blue » de Ralph Nelson. A cet égard, il confira plus tard le culot dont il a du faire preuve pour intégrer le petit monde des compositeurs de B.O :


Roy Budd Get Carter

J’apprends par un ami qu’on cherche un compositeur anglais pour la musique du film Soldier blue. Je n’avais jamais rien enregistré pour le cinéma mais je voulais vraiment le job. J’ai compilé sur cassette la musique des compositeurs que j’aimais : Jerry Goldsmith, John Williams, Lalo Schifrin, etc. J’ai envoyé le tout et indiqué à Nelson que la musique était de moi ! (Rire…) Je n’avais rien mis de trop connu. Il a été impressionné. Il a dit : « Ce type est formidable ! » Ça aurait été marrant d’être rejeté et du même coup les plus grands scorer de l’époque. Une autre raison pour laquelle j’ai décroché le job est qu’après avoir rencontré Nelson et regardé le film, il m’a demandé quelle musique je pensais mettre après la scène du massacre final. J’ai dit. « Je pense que rien ne parle plus fort que le silence. » Il a dit. « C’est un concept génial – faites-le ! »

Roy Budd

L’année suivante, il compose sa bande sonore la plus connue pour le cultissime Get Carter (Mike Hodges, 1971) intégrant des sons du film dans ses compositions (notamment sur « Carter takes the train » avec en fond le bruit du train que Carter prend pour se rendre à Newcastle).

Roy Budd Get Carter
Roy Budd Get Carter

Roy Budd dispose d’un budget dérisoire même pour l’époque (450 £) et d’une formation réduite (piano, voix, basse, guitare, batterie et percussions) pour boucler ce score, ce qui l’oblige à adopter des schémas peu conventionnels dans l’écriture de sa musique et dans l’organisation de la B.O. qui est composée pour moitié par des instrumentaux et pour l’autre par des titres à la Burt Bacharach.

Le tout sera enregistré à Londres au studio Olympic accompagné de Geoff Cline (Basse) et Chris Careen (Batterie et Percussion) tout deux membres du Dudley Moore Jazz Trio. Co-écrit avec Jack Fishman, auteur-compositeur émérite, il faut également mentionner la contribution de Keith Grant, ingénieur en chef des studios Olympic dont les méthodes sont paradoxalement assez artisanales (appareils faits sur mesure par des geeks enthousiastes dans l’arrière-salle).

Roy Budd Get Carter
Roy Budd Get Carter

Combinant de façon peu conventionnelle clavecin, contrebasse et tablas (avec un soupçon de piano et shaker), le titre principal donne le ton. Ce son si singulier qui joue le thème est celui d’un clavecin, avec Roy qui gratte simultanément ses doigts sur les cordes d’un piano.

Le batteur Chris Karan (futur contributeur des séances anglaises de Gainsbourg), qui a passé une partie de sa vie en Inde, n’est que trop disposé à apporter ses tablas avec lui aussi à l’aise avec ses percussions que derrière sa batterie.

Le thème principal (Goodbye Carter !) voit ainsi la rencontre entre le clavecin de Budd et une contre-basse, le tout sur une rythmique syncopée de tablas. Le résultat, précurseur de la musique actuelle, est minimaliste et répétitif tout en étant d’une efficacité redoutable, Budd s’accordant seulement un solo jazzy au milieu du morceau.

Roy Budd Get Carter
Roy Budd Get Carter

The Girl In The Car, morceau instrumental façon course-poursuite a lui aussi une structure originale jouant sur les paradoxes, puisque ce morceau sombre s’interrompt sur un break de piano angélique, avant de reprendre son rythme endiablé.

Les parties chantées très northern soul (Love Is A Four Letter Word, Looking For Someone, Getting Nowhere In A Hurry…), mélanges de pop et de soul évitent de sombrer dans le cheesy. On notera les voix de Denea Wilde sur Love Is A Four Letter Word et Looking For Someone et celles de Mickey Gallagher et Johnny Turnbull (deux des futurs Blockheads d’Ian Dury) sur Getting Nowhere In A Hurry.

Le disque se termine sur Hallucinations, en nous montrant une nouvelle fois le talent mélodique minimaliste de Budd au clavecin.

Roy Budd Get Carter
Roy Budd Get Carter

Longtemps introuvable ou seulement en import japonais, la B.O. a été rééditée en 2019 en version deluxe (coffret de 3 CD) les deux premiers consacrés à la bande sonore du film et le troisième au autres scores de Roy Budd.

Tragiquement disparu en 1993 des suites d’une hémorragie cérébrale, Roy Budd laisse derrière lui une cinquantaine de B.O. (The Black Windmill, Diamonds, Fear Is The Key, The Final Option…) marquées de son style inimitable. Mais de tous ses scores, Get Carter restera comme l’œuvre la plus aboutie de son créateur. Culte.

Sources : www.roybudd.com – www.allaboutjazz.com – www.roughtrade.com – www.dougpayne.com – www.CinemaScore.com – https://roybuddworks.wordpress.com

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CRÉDITS :

Enregistré en 1971 aux studios Olympic (Londres – Royaume-uni) – Cherry Red Records

  • Roy Budd : compositeur, piano, producteur
  • Jeff Cline : contrebasse, basse, producteur
  • Brian Daly : guitare
  • Chris Karan : batterie, percussion, tabla, producteur
  • Judd Proctor : guitare
  • Jack Fishman : producteur
  • Paul Fishman : remastering
  • Fishman* : Compositeur (pistes: 5, 9, 13, 15, 21, 22, 24, 25)
  • Roy Budd* : Compositeur (pistes: 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19 to 22, 24, 25)
  • Denea Wilde : voix sur « Looking For Someone » et « How About You »
  • Mickey Gallagher et Johnny Turnbull : voix sur « Getting Nowhere In A Hurry »

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