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Longtemps, le pianiste cubain Ruben Gonzalez fut l’un des trésors cachés de la musique cubaine. A l’instar de Compay Segundo et d’Ibrahim Ferrer, le monde l’a découvert à travers l’album collectif Buena Vista Social Club et sa version en images signée Wim Wenders. Malgré une arthrite sournoise qui le diminuait, il créait d’immenses enchantements dès qu’il se mettait au piano.

Tout commence par un projet imaginé par Nick Gold du label World Circuit et Ry Cooder de réunir dans un même enregistrement des musiciens cubains « campesinos » dont Ruben Gonzalez, soneros légendaires des années 1930, 40 et 50, et des musiciens d’Afrique de l’Ouest. Coincés pour cause de visa à l’aéroport de Paris, les Africains ne pourront pas se rendre à Cuba, et finalement, l’enregistrement de l’album s’effectuera sans eux.

Régulièrement Ruben Gonzalez se rend aux Studios Egrem, non loin de sa maison pour jouer du piano. Il n’en a plus chez lui. C’est au cours d’une de ses visites au piano qu’en 1996 les responsables du projet Buena Vista Social Club qui préparent leurs enregistrements l’entendent.


Introducing Ruben Gonzalez

Aidé par le compositeur Juan De Marcos González, leader du célèbre groupe cubain Sierra Maestra, Ry Cooder rassemble divers artistes dont Ruben Gonzalez aux studios Egrem, à Cuba. 15 jours pour enregistrer deux albums : A toda Cuba le gusta des Afro-Cuban All-Stars et l’album Buena Vista Social Club.

Tous les matins, pendant l’enregistrement de l’album « Afro-Cuban All Stars », Ruben Gonzalez attend que les portes du studio s’ouvrent pour se précipiter au piano et jouer. Cette scène va se répéter tout au long de l’enregistrement du « Buena Vista Social Club ». Une fois les deux albums terminés, Ruben ne décolle pas du piano.

C’était un piano sublime et il fallait absolument que je joue dessus. On se connaissait tous de longue date, alors j’ai commencé à jouer un tumbao. Cachaito m’a rejoint à la basse, puis la section rythmique. C’était très bon. Mais quelqu’un a allumé la lumière. Je croyais qu’ils voulaient que j’arrête parce que je les interrompais. Puis j’ai vu Nick Gold lever son pouce et ils m’ont demandé de rester.

Ruben Gonzalez
Ruben Gonzalez
Ruben Gonzalez

Non seulement on lui demande de rester, mais on l’invite à enregistrer son propre album, à choisir son propre répertoire et ses propres musiciens et à jouer aussi longtemps qu’il le veut.

Après presque deux semaines d’enregistrement, la prestation de Rubén prend immédiatement et c’est ainsi que sans aucune répétition, le groupe enchaine les airs classiques cubains de style descarga (jam session cubaine). Cet album remarquable en est le résultat.

Enregistré en live sans overdubs en deux jours, la musique qui s’en dégage est à la fois fraîche et spontanée et en même temps profondément enracinée dans la tradition cubaine.

Ruben Gonzalez
Ruben Gonzalez

Introducing Ruben Gonzalez est un album aux orchestrations riches et soignées où alternent ambiances exubérantes et doux espaces d’intimité pianistique. Syncopes et mélodies servent des interprétations techniques d’une fluidité sans pareille.

Sur l’album, le grand pianiste Rubén González est entouré de Cachaito Lopez (basse), Amadito Valdés (timbales,) Roberto Garcia (bongos, guiro, cowbell), Carlito Gonzalez (congas), Manuel « El Guajiro » Mirabal (trompette), Alberto « Virgilio » Valdés (maracas), Carlos Puisseaux (guiro), Juan de Marcos González (voix), Manuel « Puntillita » Licea (voix), Antonio « Maceo » Rodriguez (voix) et Richard Egues (flute sur Tres Lindas Cubanas).

L’album débute avec un cha cha cha, La Engañadora, titre emblématique de celui qui a créé le chachacha Enrique Jorrin avec qui Rubén González a joué. Le trompettiste Manuel Mirabal ouvre la plage pour laisser la parole au pianiste.

Sur Cumbanchero, soutenu par le rythme des claves, Ruben Gonzalez déploie toute sa dextérité et se joue du tempo. Sur Tres Lindas Cubanas, le pianiste met son talent avec élégance au service de la musique classique cubaine. On note aussi combien Ruben excelle en finesse sur les thèmes plus sophistiqués que sont les boléros Melodia Del Rio, Siboney et Como Siento Yo.

J’aime la beauté de l’harmonie. J’aime rendre les harmonies riches, pas complexes mais pleines. Parmi les pianistes non cubains, j’admire beaucoup Papo Lucca, car sa salsa est très proche du son. Le piano Son est plus varié que le piano Salsa, qui tient sur un seul riff beaucoup plus longtemps.

Ruben Gonzalez

On se laisser transporter avec bonheur par le rythme enivrant de la guaracha Mandinga qui se réfère aux origines de la musique cubaine dont le pianiste s’est abreuvé.

Place ensuite à la salsa cubaine avec Tumbao, une jam où le pianiste improvise sur la ligne de basse de Cachaito Lopez soutenu par les timbales d’Amadito Valdés. Avec le dernier titre inédit, Descarga Ruben Y Cachaito, on se retrempe dans cette même ambiance endiablée de la descarga cubaine.

Quand les compliments commencent à pleuvoir après Buena Vista, et son premier album, l’élégant et charmant vieillard continue d’afficher une modestie à l’égal de la grande courtoisie qui le caractérise aussi. Aux louanges enthousiastes de Ry Cooder, déclarant à son propos :

Le plus grand pianiste soliste que j’aie jamais entendu dans ma vie ; un croisement cubain entre Thelonious Monk et Felix le Chat », il répond par une pirouette : de Félix le Chat, il ignore tout ; quant à Monk, « il jouait du jazz. Moi, ça ne m’intéresse pas d’en faire, même si parfois j’en prends un peu pour le mettre dans la musique cubaine.

Ruben Gonzalez

Pianiste d’une finesse pénétrante, au phrasé fluide et gracieux, Ruben Gonzalez laissera seulement deux albums sous son propre nom. Avant Introducing Ruben Gonzalez (1997), puis Chanchullo (2000), parus sur le label de Buena Vista… World Circuit, il n’avait jamais eu les honneurs d’un studio d’enregistrement loué pour lui.

Entièrement remasterisé par Alex Wharton dans le célèbre studio Abbey Road à partir des bandes originales l’album « Introducing Ruben Gonzalez » a été réédité en 2017 en CD-Livre et en vinyle 180g. Deux morceaux peuvent être écoutés pour la première fois en version longue, et on y trouve aussi Descarga Ruben Y Cachaito, un morceau inédit de Ruben Gonzalez avec Cachaito Lopez.

Sources : www.cubalatina.com – www.lemonde.fr – www.latins-de-jazz.com – www.liberation.fr – www.fip.fr – www.jeuneafrique.com

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CREDITS :

Enregistré en avril 1996 au Egrem Studios, La Havane – World Circuit records

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