En plein âge d’or des nanars « horrotica » sort Vampyros Lesbos en 1971, célèbre film d’épouvante de l’Espagnol Jess Franco, réalisateur connu pour ses nombreux films de Série B. La bande sonore, signée Manfred Hubler et Siegfried Schwab, est une joyeuse partouze kitsch et instrumentale de guitares fuzz, d’orgues hammond et de sitar, un croisement stylistique de psychédélisme, funk, baroque.
Vampyros Lesbos appartient à une période faste du cinéaste Jess Franco qui enchaîne alors les films erotiquo-psychédéliques. Il s’agit d’une lecture saphique très personnelle de l’univers de Bram Stoker, préalablement adapté par Franco (Les Nuits de Dracula, 1969). Le vampire est devenu ici une jeune et belle aristocrate qui séduit une version féminine de Renfield venue lui rendre visite sur une île ensoleillée.
Vampyros Lesbos Sexadelic Dance Party
Le long strip-tease de Soledad Miranda, égérie du cinéaste le temps de quelques films, effectue sur une scène de cabaret, entre un mannequin de chair et un miroir coctaldien, bercée par une musique electro teutonne, constitue l’ouverture inoubliable d’un long solo de free jazz cinématographique riche en surprises et en hallucinations.
Aux commandes de cette B.O., deux compositeurs allemands à la carrière aussi riche que confidentielle. Manfred Hübler, multi instrumentiste venant du classique, arrangeur et chef d’orchestre. Siegfried (Sigi) Schwab est un guitariste virtuose ayant travaillé sur plus de 15000 enregistrements pour le cinéma, la télévision et comme accompagnateur d’artistes divers. Ultra polyvalent, il a étudié le jazz, le flamenco, la guitare classique et, époque psychédélique oblige, le sitar.
Rappelons que nous sommes dans les années 60/70, période qui fut un formidable terrain de jeu pour les compositeurs de bandes originales : tout particulièrement chez les italiens (se référer aux compilations Easy Tempo ou Mondo Morricone), mais pas seulement comme en témoignent, par exemple, les discographies de Henry Mancini (Pink Panther, The Party…), Lalo Schifrin (Bullitt, Mission Impossible…) et autres Roy Budd (Get Carter).
Les deux compositeurs atteignent ici les sommets du genre, tout d’abord grâce à la diversité de leurs choix d’instruments : entrées fracassantes de cuivres, guitares excentriques, lignes de basse redoutables, cithare incontournable (instrument très prisé à l’époque, l’exemple le plus célèbre demeure peut-être celui de Peter Sellers dans The Party en 1968), orgues et piano en plein mix jazz/space-pop, flûte envoûtante et voix hallucinées.
Une armada très vaste donc, mais qui brille essentiellement par l’audace de son utilisation. En effet, tout au long de ces quatorze titres, Manfred Hubler et Siegfried Schwab misent sur les aspects entraînants, dansants et psychédéliques, avec une bonne dose d’exubérance, au point de reprendre le Satisfaction des Rolling Stones à la sauce exotique ou encore de dégainer un arsenal de violons en plein milieu d’un titre groovy (Shindai Lovers).
Dans cette jungle luxuriante, nos deux compères osent de nombreux croisements stylistiques (pop, jazz, exotica, rock, funk…), distillent des arrangements extrêmement riches avec, en point de mire, un objectif unique: l’extravagance.
On peut même entendre ça et la Jess Franco s’adonner à des cris et borborygmes (crédité sur la pochette du vinyle sous le pseudonyme de David Khune).
L’ensemble est servi par une production sans failles qui restitue le dynamisme et la folie des instruments, tout en garantissant un équilibre des plus judicieux.
Réédité en 1995 par le label Crippled Dick Hot Wax, Vampyros Lesbos Sexadelic Dance Party regroupe des titres enregistrés en 1969 par Manfred Hubler et Siegfried Schwab (aka The Vampires’ Sound Incorporation), tirés de deux albums (Psychedelic Dance Party et Sexadelic) et destinés à trois films réalisés par Jess Franco : « Mrs Hyde, She Kills in Ecstasy », « The Devil Came from Akasawa » et « Vampyros Lesbos » qui donne donc son nom à ce disque.
Si Jess Franco jouit d’un certain culte au sein des cercles cinéphiles initiés, la musique de ses films (et notamment celle de » Vampyros Lesbos « ) a gagné en popularité sur le tard : Quentin Tarantino utilisera même un titre (The Lions and the Cucumber) pour Jackie Brown en 1996…
Sources : www.musiczine.net – www.mille-feuille.fr – www.discogs.com – www.qobuz.com
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CREDITS :
Enregistré en 1969 aux Audio Tonstudio (Berlin) et Ariola Studios, Meistersaat (Berlin) – Crippled Dick Hot Wax!
Vampires’ Sound Incorporation, The (tracks: 1 to 3, 11) : musiciens – Manfred Hübler : Arrangeur, Conductor – Siegfried Schwab : Arrangeur, Conductor – Töni Schifer* : Art Direction – Jurgen Wentorff : Engineer (Audio Tonstudio) – Guenther Topel : Engineer (Ariola Studios) – Toner Van Bach : Art Direction – Klaus Back : Remastering – Daniel Paul Hoffman*, Hans Schaaf (Cabinet Studios) : Remastered
Vampires’ Sound Incorporation est le nom de l’obscur combo de jazz-pop psychédélique dans lequel officiaient Manfred et Siegfried.
Instruments : Batterie/percussions : Balla Balla, Hick-Hack, Congo, Threeangle
E-Basse : Grumbling Bass-Viol
Sitare : Hash-Fiddle (Duty paid)
Trompette : Infra-Lur in P-soft minor
Trombone : Battle-Horn of Jericho
Orgue : Galaxy’s Sound Machine (Type Galilei)
Piano : Yammer Playleg, 1 Catch-as-catch-can if you can
Guitares : 12-string, Electro-Dissonatars, Ultra-Lyre, 1 13-part resurrection-harp
Flûte : Mousophon (Harmelin model)
Voix : Los Capuzinos