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Le Return to Forever de Chick Corea incarna tellement le jazz-rock au milieu des années 1970 qu’on en oublierait presque ses débuts, plus paisibles, et surtout ses flirts avec la musique brésilienne. Enregistré en octobre 1972 à Londres, ce deuxième opus de Return To Forever est un nouveau sommet de fusion entre jazz, samba et rock portés par le bassiste Stanley Clarke, le batteur Airto Moreira, le flûtiste et saxophoniste Joe Farrell et la chanteuse Flora Purim.

Après avoir remplacé Hancock au sein du groupe de Miles Davis (de 1968 à 1970) et se retrouvant ainsi sur des titres de plusieurs grands albums du trompettiste comme Water Babies, Filles de Kilimanjaro, In a Silent Way, Bitches Brew, A Tribute to Jack Johnson, On the Corner… Chick Corea enchaîne avec une expérience avant-gardiste en quartet avec Anthony Braxton, Dave Holland et Barry Altschul mais changera très vite de direction.

Chick Corea Light As A Feather

C’est en effet l’époque où deux options s’offrent souvent au jazzmen : le free ou la fusion. Chick Corea opte pour la seconde en lançant l’un des groupes les plus populaires de l’époque : Return To Forever.

Après un premier album enregistré à New York en février 1972 pour le label ECM, Return To Forever retourne rapidement en studio, à Londres cette fois, pour battre le fer tant qu’il est chaud et livrer à une autre maison de disques, Polydor, “Light As A Feather”.

Entre temps, le 3 mars 1972, Chick, Stanley, Airto et le batteur Tony Williams ont assuré la section rythmique de l’enregistrement Captain Marvel de Stan Getz, qui comprend cinq compositions de Corea, dont « 500 Miles High », « La Fiesta » et le morceau titre qui serviront l’album Light As A Feather.

Enregistré le 8 octobre 1972, à Londres, l’album accueille un des morceaux les plus universellement appréciés de Chick Corea : « Spain ».

Chick Corea Light As A Feather

En perpétuelle tournée, les musiciens connaissent le répertoire composé par Corea sur le bout des doigts.

Si des transcriptions de « Captain Marvel », « 500 Miles High » et « Spain » circulent vite parmi les musiciens, c’est en premier lieu pour la réussite totale de leurs interprétations. Ces pièces apparaissent de fait aussi jubilatoires à écouter qu’à jouer.

Dans les passages où il se retrouve seul à jouer, le trio rythmique sonne comme tout un orchestre, leur explosive virtuosité servant admirablement l’esprit festif qui les anime sous-tendu par les vertus du moment, « free » revenant de façon récurrente dans les paroles du titre éponyme.

Bien que l’Espagne soit « un désert pour le jazz », selon le fameux mot de Leonard Feather, la musique de ce pays continue d’inspirer Corea, notamment le Concerto d’Aranjuez. C’est en jouant à sa façon le mouvement lent de Rodrigo que les idées de « Spain » vinrent à Corea, suite à plusieurs réécoutes de la version arrangée par Gil Evans pour le Sketches of Spain de Miles Davis.

Chick Corea Light As A Feather

A l’époque, j’étais amoureux de « Sketches of Spain » de Miles, de Gil Evans. Sur ce disque, Gil a cet arrangement génial du deuxième mouvement du « Concierto de Aranjuez » de Joaquin Rodrigo. J’ai joué avec ce thème, l’ai étendu et composé quelques mélodies qui sont devenus les thèmes principaux de « Spain ». Je joue toujours le deuxième mouvement de Rodrigo comme intro au clavier.

Chick Corea – Interview d’octobre 2015 dans le barcelona metropolitan

À cette double profondeur mémorielle s’en ajoute une troisième, celle de la fameuse « touche espagnole » ( tinge) des débuts du jazz. Mais au-delà de cette inscription dans l’histoire du jazz, « Spain » marque aussi les esprits des auditeurs par les figures rythmiques complexes de son thème central, des « mises en place » qui seront bientôt l’apanage du jazz fusion.

Hymne hippie et ode à la drogue « 500 Miles High » est devenue la chanson far de Purim. « You’re Everything » est un classique romantique porté par un texte de Potter chanté par Purim. Le dernier titre, « Children’s Song », servira de tremplin à plusieurs projets d’album de Chick Corea.

Chick Corea Light As A Feather – Flora Purim

Les six compositions de “Light As A Feather” (cinq de Corea, une de Clarke) sont toutes devenues des classiques -, teinté d’une mélancolie, d’une saudade, magnifiées par la forte personnalité de chaque instrumentiste.

En 1998, Verve rééditera l’album en l’augmentant des prises non retenues initialement. Ces alternates takes permettent d’apprécier combien les interprétations ont été soigneusement peaufinées, le groupe privilégiant le direct-to-track (sans recourir aux techniques de montage), cela au bénéfice d’une spontanéité essentielle. Grâce à cette réédition, on se rend compte que le répertoire du groupe est complété par d’anciennes compositions telles « Matrix » ou « What Games Shall We Play Today ».

Par la suite, le succès public de la formation, malgré un line-up changeant régulièrement, s’avérera colossal (six albums studio suivront en cinq ans), sans doute pour sa formule nettement plus « rock », finalement assez éloignée de ce premier chapitre.

Sources : www.sputnikmusic.com – www.allmusic.com – www.barcelona-metropolitan.comwww.qobuz.comhttps://chickcorea.com – www.telerama.frwww.discogs.com

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CREDITS :

Enregistré les 8-15 Octobre 1972 au I.B.C. Sound Recording Studios, London – Polydor

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