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D’abord connu sous le patronyme de Blue Rivers and the Maroons, Demon Fuzz ou les « enfants du diable » livre en 1970 un LP intitulé Afreaka ! comme un cri multiculturel rappelant la richesse de leurs influences Funk, Soul, Afrobeat, Jazz, Rock Psychédélique, Blues, etc. La combinaison est subtile, inédite, surprenante. Comme Cymande, autre groupe de funk britannique tout aussi culte, Demon Fuzz possédait bien des qualités pour percer. L’histoire en voudra autrement.

Formé dans le Londres des 60’s, la première mouture du groupe, Blue Rivers and the Maroons, se fait connaitre dans des clubs antillais tels le Roaring Twenties, le Q Club, en reprenant des titres de ska, de soul. En 1964 sort leur premier LP Blue Beat in My Soul. Deux ans plus tard, Paddy Corea cherche à s’affranchir de l’étiquette ska/soul, trop réductrice à son goût, pour faire évoluer la formation. Entre temps, le lead singer Blue Rivers quitte le navire.

Demon Fuzz Afreaka

C’est au Maroc que mon idée d’un autre type de groupe et d’une autre musique est née. J’ai été à cette époque exposé à un nouveau type de musique. J’y ai appris la gamme arabe soufie et la gamme pentatonique. J’ai entendu tous ces musiciens tribaux jouer de divers tambours, des instruments à anches et une kora. Ces types jouaient de ce truc, aussi bien qu’un Yehudi Menuhin. Tout cela m’a poussé à essayer une approche différente de ma musique. Certains membres des Marrons comprenaient et appréciaient mes idées, et pensaient à des choses similaires, alors nous avons formé Demon Fuzz à notre retour au Royaume-Uni ». (Paddy Corea)

Le groupe se rebaptise Demon Fuzz (« Les enfants du diable ou les mauvais policiers ») et prend un virage stylistique à 180 degrés. La formation évolue, recrute un nouveau chanteur, Selwyn « Smokey » Adams et répète.

Le groupe interrompt même ses performances live et passe plusieurs mois à répéter dans les sous-sol d’un disquaire londonien en s’attaquant à d’autres répertoires tels « The Weight », « I Put a Spell on You » et « You Keep Me Hangin’ On ».

Demon Fuzz Afreaka
Demon Fuzz Afreaka

Lorsque nous avons formé Demon Fuzz, nous n’avions pas de direction précise. Nous avons sélectionné quelques chansons d’artistes connus qui nous plaisaient et nous leur avons donné une nouvelle tournure. Ce n’est que lorsque j’ai commencé à avoir des idées que nous avons commencé à trouver une sorte de direction sur laquelle nous nous sommes tous appuyés ». (W. Raphael Joseph)

En 1970, grâce aux recettes de leurs divers concerts, le groupe se paye du temps de studio et enregistre une démo. En l’écoutant, le producteur de Dawn Records, Barry Murray, décide de les signer. Il les considère suffisamment crédible pour concurrencer EMI et Phonogram qui viennent eux aussi de s’engouffrer dans la musique progressive.

Nous ne voulions pas faire des trucs banales. Bien sûr, cela vous donne beaucoup plus de défis sur le plan musical. Winston et Ray ont contribué à une grande partie de l’écriture. Nous avons fait quelques chansons. « Past, Present, and Future ». Paddy a réalisé les arrangements. C’est en grande partie grâce à la coopération du groupe, à la mise en commun des idées. Le groupe Blood, Sweat & Tears nous a beaucoup inspiré. (Clarence « Brooms » Crosdale)

Demon Fuzz Afreaka
Demon Fuzz Afreaka

Barry Murray emmène le groupe aux Pye Studios à Marble Arch en septembre 1970. Malgré une incompréhension mutuelle et quelques ratés, l’enregistrement ne prendra guère plus d’une semaine.

Quand Demon Fuzz a enregistré Afreaka, je pense humblement que le producteur du disque, Barry Murray, ne saisissait pas bien la direction musicale que nous prenions en tant que groupe. Nous étions confrontés à une grande maison de disque bien établie qui finançait la production du disque et nous devions simplement obéir aux instructions du producteur. On n’avait pas grand-chose à dire, si tant est qu’on en ait eu. » (W. Raphael Joseph)

Le premier titre Past, Present and Future ouvre cet album de cinq titres. Un riff agressif tout droit emprunté d’un album de hard rock fait office d’introduction. Très vite, le tempo se fait plus régulier, les cuivres viennent adoucir le morceau et la guitare nous embarque dans une dimension beaucoup plus funky et reggae.

Demon Fuzz sait aussi chanter à l’image de Disillusioned Man. L’introduction à la guitare sèche et au djembé ainsi que le choix rythmique n’est pas sans rappeler le très bon Sugar Man de Sixto Rodriguez. La voix est précise et emballe le morceau de manière festive. La partie instrumentale qui intervient au milieu du morceau est loufoque mais donne aussi ce supplément d’âme au titre.

Avec Hymn To Mother Earth, Demon Fuzz reste dans son univers tout en développant une autre facette : celle de la sensibilité, de la retenue. Même si le funk vient s’ajouter entre deux couplets, le morceau commence et se termine dans la mélancolie. On notera que la ligne de basse rappelle le thème de l’Ave Maria de Schubert.

Le funk et la soul de Mercy (Variation No. 1) laissent place aux rythmes africains de Another Country le tout dans une grande cohérence.

Demon Fuzz Afreaka
Demon Fuzz Afreaka

Le groupe est déçu du résultat final. Certains choix du producteur sont contestés en vain. Selon Winston, Corea et Crosdale, Afreaka est une pale image de se dont le groupe est capable sur scène.

En live, Demon Fuzz était d’une qualité supérieure à ce qu’on entend sur l’enregistrement studio. On avait une présence majestueuse sur scène. On nous a d’ailleurs souvent mal jugé. Notre aura, notre confiance individuelle et collective étaient souvent pris pour de l’arrogance. Si l’album a été un échec commercial, le groupe live a toujours été un succès. (Paddy Corea)

Avec cet unique album et sans le savoir, Demon Fuzz avait inventé une formule qui resterait sienne: le funk progressif, étrange décoction à base de soul psychédélique, d’afro beat, d’acid rock et de free.

Parmi les membres du groupe, seul le percussionniste – venu prêter main-forte pour la séance — possédait un curriculum digne de ce nom, puisque Ayinde Folarin avait déjà joué avec Fela Kuti, Stevie Wonder et s’apprêtait à rejoindre Assagai, le groupe du saxophoniste sud-africain Dudu Pukwana.

Tous disparaîtront de la circulation après cet unique opus, sans laisser de traces, sauf le percussionniste que l’on retrouvera en studio, dans les années quatre-vingt, aux côtés de Bronski Beat !

Sources : www.waxpoetics.com – http://dynamhit.org – www.sefronia.com – http://alternativeradio.over-blog.com

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CREDITS :

Enregistré en 1970 au Pye Studios – London – Dawn Records

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