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Moins connu que son compère Nigérian Fela Kuti, le Ghanéen Ebo Taylor est une figure majeure du highlife, proche inspiration de l’afrobeat. Né en 1936, le guitariste et compositeur est d’abord à la tête de plusieurs groupes locaux, avant de partir à Londres en 1962 où il anime le Black Star Highlife Band. De retour au Ghana, Ebo Taylor produit et compose pour les stars locales que sont C. K. Mann et Pat Thomas. Découvert tardivement en Occident, Ebo Taylor, accompagné par l’ensemble allemand Afrobeat Academy, sort en 2010 son premier album international Love and Death, composé de titres anciens et de nouvelles compositions.

Issu d’une famille catholique, Ebo Taylor est initié très tôt à la musique. Son père, prof à l’université, est pianiste. Avant de s’intéresser à la guitare électrique, son éducation musicale passe par la chorale de l’église, et le piano classique, colonisation oblige. En 1956, alors que le pays s’apprête à reprendre son indépendance, l’étudiant passe musicien pro. Il intègre des groupes locaux, sous influence du trompettiste E.T. Mensah, la référence ultime du highlife, genre musical très en vogue dans les grands ports de la Côte-de-l’or.

Ebo Taylor Love and Death

A l’aube des années 60, Ebo Taylor part étudier à Londres… Il étudie l’histoire du jazz, se passionne pour Kenny Burrell, Wes Montgomery, Charlie Parker, John Coltrane, et partage ses envies avec un jeune Nigerian de 20 ans, un certain Fela Anikulapo Kuti, qui s’imagine trompettiste et s’enthousiasme pour Miles Davis…

Si Ebo et Fela sont venus étudier la musique au sein de prestigieuses écoles, c’est dans les clubs de la ville que leurs différence de style s’affinent. «Notre idée était de faire évoluer le highlife avec ce que nous entendions. Notamment le funk et le nouveau jazz.»

Ce seront l’afrobeat, quand Fela rentrera d’une tournée aux Etats-Unis, et le highlife customisé pour Ebo Taylor, qui de retour au Ghana en 1965, appuie sur la pédale électrique au sein d’orchestres locaux (Les Stargazers, le Broadway Dance Band…).

Ebo Taylor Love and Death
Ebo Taylor Love and Death

« Fela Kuti jouait avec son groupe de highlife les Koola Lobitos. Je suis allé le voir plusieurs fois à Lagos et lui aussi au Ghana. Ce n’est pas surprenant si pendant un moment nos musiques sonnaient de façon identique. Quand vous écoutez la musique yoruba, c’est principalement joué en mode mineur. Les Ghanéens ont commencé à jouer en mode majeur au contact des prêtres britanniques. Autrement, tous les rythmes afro sont en mode mineur. Ça vient de la tradition. » (Ebo Taylor)

Ebo Taylor tentera différentes approches sonores, mêlant son Highlife identitaire au Jazz, au Funk ou à la Soul-Music. Il lui faudra cependant patienter 8 ans avant d’enregistrer le premier LP sous son nom en 1973.

Dès lors, au sein de l’écurie Essiebons, il officie aussi bien comme musicien et arrangeur que producteur maison. Sur ce label, ce compositeur hors pair signera notamment l’album Conflict ! réédité en 2012.

Conflict (Ebo Taylor)
Ebo Taylor Love and Death

Selon ses propres mots, sa musique reflète les influences psychédéliques du moment :

« J’écoutais du rock Deep Purple, Black Sabbath, Blood Sweat and Tears, Chicago, ou du funk comme Brass Construction. L’intro de mon morceau “Heaven” : « papadadada », ça pourrait être du rock. Mais avec un rythme pêchu de percussions par les congas, ça devient afro. Mon guitariste préféré de rock, c’est Ritchie Blackmore de Deep Purple. Il y a des similarités parce qu’il joue aussi en mineur. Cette influence au-dessus de mon rythme, ça donne de l’afro-funk. » (Ebo Taylor)

Difficile de cerner une discographie où l’essentiel fut publié en toutes petites quantités (500 exemplaires parfois), impossible de pointer l’ivraie parmi tous ces trésors, qui s’échangent désormais à prix d’or. Comme Twer Nyame, énorme millésime 1978 ou My Love and Music, paru deux ans plus tôt sous étiquette Gapophone, une pochette DIY à l’image du génie d’Ebo Taylor : sous ses faux airs bricolés, sa musique est d’une formidable complexité.

Ebo Taylor Love and Death
Ebo Taylor Love and Death

Malgré la grande qualité musicale de sa production, Ebo Taylor connaît une longue période d’éclipse dans les décennies suivantes.

Son nom ne réapparaît que par le travail acharné de crate diggers, ces chasseurs de disques rares, à commencer par Duncan Brooker qui officie pour Strut records. Le label londonien ira plus loin, en publiant le solide Love and Death qui permet au Ghanéen de s’illustrer enfin sur scène.

À la fin des années 2000, un de ses fils lui parle d’Ade Bantu, un chanteur germano-nigérian de passage à Accra :

« Avec son groupe Afrobeat Academy il a repris deux de mes chansons : « Atwer abroba » et « Kwaku ananse ». Je les ai rejoints sur scène au W.E.B DuBois center à Accra. Ensuite, leur saxophoniste Ben Abarbanel Wolf m’a proposé d’enregistrer avec l’Afrobeat Academy. » (Ebo Taylor)

Ebo Taylor Love and Death

Le résultat, issu de deux semaines d’enregistrement en studio à Berlin, est l’album Love and Death, produit par le label anglais Strut records. Celui-ci lui offre une reconnaissance internationale tardive.

À cet égard, ce n’est pas un hasard si une des reprises de l’album Obra, titre issu de l’album Conflict de 1980, parle de la vie :

« J’explique dans ma langue maternelle, le fante, que la vie est ce que tu en fais. Si tu échoues, ne dis pas : C’est à cause de ma tante qui est une sorcière ! Ne blâme pas un soi-disant mauvais esprit. Ne t’en prends qu’à toi-même ! » (Ebo Taylor)

Ebo Taylor, le phénix, a aussi remis au goût du jour le poignant titre éponyme « Love and Death » :

« Cette chanson part d’une expérience personnelle avec ma première femme. Mon cœur a été brisé et j’en suis presque mort. Les Akans ont un proverbe très répandu au Ghana : L’amour et la mort sont des compagnons de route. Je me suis rendu compte que son sens est beaucoup plus profond qu’il n’y paraît. L’amour peut tuer ! C’était ma manière d’adresser un conseil philosophique pour les amoureux. C’est pour ça que je mets beaucoup d’emphase avec les riff de jazz joués par les cuivres. » (Ebo Taylor)

Ebo Taylor Love and Death

À Berlin, Ebo Taylor compose trois nouveaux titres : « African Woman », « Ayesama » et « Aborekyair », inspirés de ses observations ironiques sur la diaspora ghanéenne.

« À cette époque, je percevais que les Ghanéens qui restent à l’étranger quand ils reviennent au pays ne veulent plus parler leur langue maternelle, le fante. Ils ne veulent plus manger leur nourriture traditionnelle. » (Ebo Taylor)

Depuis, Ebo Taylor a enregistré deux autres albums Appia kwa bridge en 2013 et le denier en date Yen ara, avec le Saltpond City Band.

Tout au long de sa carrière, parallèlement à ses recherches dans le domaine du jazz, du funk et de l’afrobeat, Ebo Taylor exprime sa passion pour le high-life classique, opérant une fusion avec des influences plus typiques et ancrées dans le terroir. Il recherche des rythmes originaux dont il s’inspire dans son œuvre, comme Vasafo de la région de Cape Coast.

Source : Qobuz – www.fip.fr – https://next.liberation.fr – www.lepoint.fr – www.nova.fr

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CREDITS :

Enregistré entre juillet 2009 et janvier 2010 au Lovelite Studio, Berlin – Chez Lien, Accra, Ghana – Strut records

Recorded at Lovelite Studio, Berlin, July 2009.
Additional recordings at Hotel Chez Lien, Accra, Ghana, January 2010.
Backing vocals recorded on Ebo Taylor’s porch, Salt Pond, Ghana, January 2010.

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