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Archie Shepp Attica Blues – Enregistré du 24 au 26 janvier 1971 au A&R Recording, New York – Impulse records
Mai 1971 : dans les studios de Rudy Van Gelder, Archie Shepp enregistre son prochain album pour la firme impulse! au titre pas moins évocateur que les précédents, « Things Have Got To Change ». Septembre 1971 : une émeute éclate dans la prison d’Attica (New York), suite au décès brutal, le 21 août, de l’activiste du Black Panther Party George Jackson dans la prison de Saint Quentin.

Menée par un millier de prisonniers, elle sera durement réprimée sur ordre du gouverneur Nelson Rockefeller. Après l’assaut, on dénombre près de quarante morts – prisonniers, gardiens, employés. Cet épisode sanglant de l’histoire des États-Unis a profondément marqué les esprits, et pas seulement ceux de la communauté afro-américaine dont Archie Shepp Attica Blues.

En 1975, le héros d’un après-midi de chien campé par Al Pacino, harangue la foule qui assiste au spectacle de son braquage de banque et la pousse à crier avec lui « Attica ! Attica ! ».


Archie Shepp Attica Blues

En 1997, le dernier épisode de la saison 1 de la série carcérale Oz recréé implicitement l’émeute d’Attica. Mais bien avant ces clins d’œil et autres recréations cinématiques et/ou télévisés, Archie Shepp avait donc consacré un disque entier aux révoltés de cette prison de sinistre mémoire.

Pour, sans doute, essayer de toucher un public plus large que de coutume, “Attica Blues” se démarque de ses albums précédents en explorant tous les possibles de cette nouvelle soul music émancipée que l’on pourrait qualifier de “progressiste”, incarnée dès la fin des années 1960 par les Curtis Mayfield, James Brown et autres Sam Cooke, inoubliable créateur de A Change Is Gonna Come en 1965.

Attica Blues

En 1971, deux albums fondamentaux de l’histoire de la grande musique afro-américaine populaire avaient changé la donne : “There’s A Riot Going On” de Sly & The Family Stone (Epic) et “What’s Going On” de Marvin Gaye (Motown). Nul ne pouvait ignorer leur impact, et outre leur titre, qui semblaient se faire écho, voire se répondre, ils contenaient des chansons qui devinrent rapidement des standards : Family Affair ou Thank You For Talkin’ To Me Africa dans le premier, What’s Going On ou Inner City Blues dans le second.

Pour autant, on peut s’étonner qu’aujourd’hui encore on “oppose” le côté “soul” d“Attica Blues” au côté “free” des autres 33-tours Impulse! gravés par Archie Shepp, car chacun sait qu’il ne s’est jamais résolu à séparer/distinguer tel ou tel “genre » de musique “noire”, préférant la faire entendre à tous les sens du terme – dans sa globalité.

Attica Blues

À cette époque, la créativité du monde musical était telle qu’il semble aujourd’hui vain de vouloir éloigner les unes des autres toutes ces splendides vies musicales, qu’il s’agisse de celles menées par John Coltrane, Duke Ellington, Ray Charles, Ornette Coleman, Smokey Robinson, Albert Ayler, Otis Redding, Jimi Hendrix ou George Clinton (qui étaient tous actifs, même si certains disparurent prématurément).

Et quand on sait que l’année où parut “Attica Blues” fut aussi celle où “Young, Gifted And Black” d’Aretha Franklin (Atlantic), “Free Will” de Gil Scott-Heron (Flying Dutchman), “America Eats its Young” de Funkadelic (Westbound), “Superfly” de Curtis Mayfield (Curtom), “Music Of My Mind” et “Talking Book” de Stevie Wonder (Motown) se retrouvèrent sur les facings des disquaires, on réalise à quel point cet âge d’or mêlait étroitement danse et conscience, accessibilté et inventivité.

Attica Blues
Attica Blues

Ainsi, “Attica Blues” n’a rien perdu de son impact sonore et de son pouvoir d’attraction. Enregistré avec un budget sans doute moins conséquent et surtout en beaucoup moins de temps que les albums évoqués plus haut (trois jours seulement, du 24 au 26 janvier, sous la direction du producteur Ed Michel), il n’en reste pas moins extrêmement ambitieux.

Tout concours à élever ce disque au rang de classique : la richesse de ses arrangements (où cordes sont remarquablement utll- sées), la variété des combinaisons instrumentales, les soli habités du leader, les sidemen de premier plan (Marion Brown, Cornell Dupree, Jimmy Garrison…), les récitants engagés (l’avocat William Kunstler) et, plus encore, la forte personnalité de tous les vocalistes, de Pandrogyne Cari Hall, alias Henry Hull, éblouissant dans la chanson-titre et émouvant dans Ballad For A Child, au velouté Joe Lee Wilson, sans oublier la voix juvénile et troublante de Waheeday Massey, la fille du compositeur et arrangeur Cal Massey, inoubliable dans Quiet Dawn.

Attica Blues
Attica Blues

En 1979, sous l’impulsion du producteur Gérard Terronès, Archie Shepp rejouera avec le bien nommé “Attica Blues Big Band”, et de façon fort convaincante, la majeure partie de ce 33-tours qu’on vous invite à (re)découvrir juste avant d’en goûter à nouveau, les vibrantes émotions black, brown and beige (comme disait Duke Ellington).

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