A new perspective (Donald Byrd), pièce atypique entre jazz et gospel

A ses débuts, Donald fait son entrée dans le groupe du batteur Art Blakey et ses Jazz Messengers. Dans les années 50, il remplace Clifford Brown au sein de ce tremplin extraordinaire avec, à ses côtés, Horace Silver au piano et Lou Donaldson au saxophone.

Bien avant Donald Byrd a new perspective, il accompagne quelques temps le quintet de Max Roach, l’emportant peu à peu vers le courant hard bop où il croisera John Coltrane, Thelonious Monk ou Sonny Rollins. Il commence alors une carrière solo chez Blue Note. Nous sommes au début des années 60 et le label est la référence jazz de l’époque.

Donald Byrd
 a new perspective

Il joue et enregistre avec le gotha du jazz new yorkais. Lequel vit alors l’un de ses âges d’or : Red Garland, Sonny Rollins, Coltrane, Lionel Hampton, Gigi Gryce avec qui il conduit le Jazz Lab Quintet.

Très présent en Europe, Donald Byrd travaille la théorie et l’harmonie musicales. En 1963, il fréquente, comme nombre de musiciens de jazz (Quincy Jones, Lalo Schifrin, Rhoda Scott ou Michel Legrand), les cours d’harmonie et d’orchestration de Nadia Boulanger.

Donald Byrd veut expérimenter de nouvelles manières de voir le jazz. C’est ainsi qu’en 1963, le trompettiste enregistre une pièce atypique, A New Perspective sous-titré Band & Voices, mélange de jazz et gospel à la limite de la musique de film, intégrant des voix et des instrumentations plus complexes.

Le concept est d’explorer les connections entre un sep-tette jazz, les voix d’une chorale (dirigée par Coleridge Perkinson) et des influences blues et gospel (par les arrangements de Duke Pearson en particulier).

Les ambiances varient, du puissant « Elijah » au pur blues de « Beast of burden », puis au célèbre hymne de « Cristo redentor », maintes fois repris, par Harvey Mandel, par exemple.

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La première plage, la piste de décollage, « Elijah », permet d’entendre la guitare merveilleusement swingante de Kenny Burrell et « The Black Disciple », véritable hymne écrit comme le thème précédent par Byrd, complète cette « vision globale ».

« Beast of Burden », de la plume de Byrd aussi, est une pièce sentimentale de dix minutes qui donne à chacun la possibilité de prendre de brillants solos – en particulier Herbie Hancock, 22 ans, qui entrera quelques mois plus tard dans le quartette de Miles Davis.

Duke Pearson, arrangeur de l’ensemble de la séance, est aussi derrière les deux autres thèmes gravés. Le très particulier « Cristo Redentor » est l’une des plages qui ont fait découvrir le jazz à de nombreux jeunes amateurs de rock curieux de musique des années 1960. La trompette de Byrd intervient au bout de deux minutes – l’un des passages les plus obsédants qui soient dans le jazz.

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L’histoire retiendra également la pochette de l’album A New Perspective où on l’aperçoit, derrière le phare proéminent d’une Jaguar Type E. Un disque à l’image de ses préoccupations d’alors, et qui scellèrent ce qui fera sa marque de fabrique, une subtile fusion entre le gospel et le be bop. Christo Redentor, l’un des titres de cet album, reste l’un des plus samplés à ce jour.

J’ai pris cette aventure au sérieux. Compte tenu de mon parcours personnel, j’ai toujours souhaité écrire un album entier consacré à des pièces inspirées par le gospel, comme un recueil de cantiques modernes. Les jazzmen, à la Nouvelle-Orléans, ont souvent improvisé sur les airs traditionnels du gospel, mais j’ai souhaité aller au-delà en écrivant des airs spécifiques, modernes, afin d’aborder cette tradition autrement, tout en la respectant.

Donald Byrd

Dixième enregistrements de Donaldson Toussaint l’Ouverture Byrd pour Blue Note, A New Perspective est plus cohésif que ce qui l’avait précédé et d’un niveau très supérieur. À l’époque, Byrd sentait que le jazz perdait le contact avec la culture noire contemporaine, et ce disque était sa tentative pour renouer. Elle fonctionna.

Cette élégie aux parents de Byrd est un album spirituel. Quand le trompettiste Clifford Brown mourut, en juin 1956, à tout juste 25 ans, Byrd assista aux funérailles. Il écrivit ensuite : « Respect, honneur et admiration ne diminuent pas, ne meurent pas aux funérailles. Ils croissent plutôt. Rien ne se perd en termes d’amour et de dévotion, tout s’amplifie même, car on a rarement une vision globale. » Byrd ne put assister aux funérailles d’aucun de ses parents.

Tout au long de cet album, en dépit de ces propos, se dégage une forte impression de perte, de lamentation funèbre, dans une musique qui fonctionne à tous les niveaux.

On peut retrouver se mélange de jazz et chœurs gospel sur d’autres albums mais pas avec la même intensité mystique. L’atmosphère y est mélancolique mais délestée par des chants divins. Le travail de remasterisation effectué par Rudy Van Gelder lui-même est exceptionnel.

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CRÉDITS :

Enregistré le 12 janvier 1963 au Van Gelder Studio, Englewood Cliffs, New Jersey (USA) – Blue note records

Sources : www.allaboutjazz.com - https://jazztimes.com - www.djouls.com - www.bluenote.com - www.rtbf.be - www.qobuz.com

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