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Honni par les puristes, l’album Black Byrd marque un tournant dans la carrière du trompettiste Donald Byrd. Pilier du mouvement hard-bop dans les années soixante avec Horace Silver et Art Blakey, Donald Byrd redonne, avec cet album sorti 1973, une forme de légèreté au jazz grâce à l’entremise des frères Mizell, avec qui il a usé ses fonds de pattes d’éléphant sur les bancs de l’Université Howard à Washington, où Donny Hathaway et Roberta Flack firent aussi leurs classes.

Au cœur des seventies, la sphère jazz a les yeux rivés sur les cats qui jouent du funk, les nouveaux hipsters. Donald Byrd n’a pas attendu pour attraper le train qui fonce et traverse l’Amérique urbaine. La communauté noire dans les grandes cités, s’est trouvé un son, à Philadelphie, New York, Los Angeles, Denver…

Donald Byrd Black Byrd

Les gardiens du temple s’arrachent les cheveux, aimeraient déchirer la carte de membre du club des jazzmen de Mister Donald Byrd. L’ex-Jazz Messenger, successeur de Clifford Bown auprès d’Art Blakey, pilier de la maison Blue Note, n’est pas du genre à céder aux injonctions des bien (mal) pensants.

Enseignant, pédagogue, amateur d’arts africains, Byrd s’est rapproché de Larry et Fonce Mizell, deux jeunes new-yorkais dépositaires d’un son sophistiqué, classieux, flanqués de pointures redoutables (Harvey Mason à la batterie, Chuck Rainey à la basse) et implacables pourvoyeurs de hits.

Larry et Alphonso (alias Fonce) Mizell ont étudié à la prestigieuse école Howard de Washington DC (Byrd y donne des cours de trompette que suit Fonce). Musiciens chevronnés, ils jouent de la trompette, du clavier ou des percussions et forment un ensemble vocal avec deux autres élèves, les Vanlords.

Ils travaillent aux côtés de Berry Gordy et Deke Richards au sein de la Motown. Ils composent ensemble le premiers hit des Jackson 5 “I want you back”, prévu à l’origine pour Glady Knight. Ils réalisent même des titres, finalement non retenus, pour Marvin Gaye quand celui-ci se lance dans l’après What’s Going On.

Larry et Fonce Mizell
Larry et Fonce Mizell

En 1972, Fonce participe aux sessions d’enregistrement d’Ethiopian Knights, un album de Donald Byrd tourné vers l’acid jazz. Dans la foulée, Byrd sollicite Fonce Mizell pour des compositions. Il cherche de la nouveauté, un son plus dansant.

Les deux frères travaillent alors plusieurs démos intégrant des synthétiseurs flambant neufs comme le Mini-Moog mais surtout les derniers venus de la gamme ARP, Soloist et Odyssey. Le son est résolument nouveau, plus organique grâce aux arrangements des deux frères mais aussi à l’avancée technologique qu’ils utilisent notamment sur “Flight Time” et “Mr Thomas”.

Fonce et Larry compose alors “Black Byrd”, “Slop Jar Blues” et “Where Are We Goin” qui sont à l’origine un des trois titres prévus pour Marvin Gaye. Ils terminent avec “Sky High”, un titre portant le même nom que la structure qu’ils viennent de créer, Sky High Productions.

Dans les traces d’un Norman Withfield avec Motown, les Mizell Brothers ajoutent une dimension orchestrale à ce style qui innerve déjà tout le cinéma de la Blaxploitation. Avec le feeling de celui qui comprend le continuum historique, du hard bop de ses débuts au hip-hop à venir (dont il sera), Donald Byrd joue sur et avec ce funk magistralement arrangé.

Donald Byrd Black Byrd
Donald Byrd Black Byrd

Joe Sample, des Crusaders, est la clé de voûte de l’atmosphère du disque, comme l’est la flûte de Roger Glenn qui verrouille cet enregistrement dans son espace temporel. Du jazz avec voix: un autre point négatif pour une poignée de puristes. Mais, sur le titre éponyme en particulier, ces voix sont parfaites, surtout quand elles s’ajoutent à la guitare blues funky de David T. Walker – qui venait tout juste d’enregistrer Let’s Get It On avec Marvin Gaye.

L’album Black Byrd explose tous les scores de ventes de Blue Note et devient un incontournable, avec même une nomination aux Grammys. Les critiques jazz seront plus dures, n’approuvant pas ce côté “commercial” mais Byrd et les Mizell s’en défendent, réalisant juste la musique qui leur parait la plus actuelle.

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CREDITS :

Enregistré entre avril et novembre 1972 à la Sound Factory, Hollywood, California – USA – Sky High Productions

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