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Classique presque oublié, l’album éponyme de Lou Bond, sorti en 1974 sur We Produce, une filiale du label Stax, est un pure produit de son époque. Une collection de titres gorgées d’images d’une période chaotique – injustice sociale, guerre du Vietnam. L’écriture et le chant de Bond, ainsi que ses talents de compositeur et d’arrangeur, en font un album rare où la musique et des textes engagés sont en parfaite harmonie.

Lou Bond est une énigme surtout parce que l’industrie musicale semble l’avoir oublié à maintes reprises. Avec un style vocal qui sonne comme une version plus râpeuse de Jackie Wilson, et une vision musicale souvent politique qui mélange la poésie de rue avec la soul de Memphis, Bond a enregistré plusieurs faces tranchantes pour Chess Records au début des années 60, dont la plupart ont fini sur l’étagère et ont été largement ignorées. Il a enregistré un chef-d’œuvre unique en son genre intitulé simplement Lou Bond pour la filiale de Stax Records We Produce en 1974.


Lou Bond

Né Ronald Edward Lewis à Chicago en 1945, Lou Bond grandit à Memphis trimbalé entre foyers d’accueil avant de connaître sa famille biologique à l’adolescence. Entre temps, il s’est initié à la guitare. En 1964, il part rejoindre son père à Chicago tenter sa chance et commence à jouer dans un groupe « Thrillers ».

En 1966, il sort pour Chess Records son premier single, « Ooh You Cheater » n/b « What Have I Done », puis en 67, « You Shake Me Up » n/b « Don’t Start Me Crying ». Bien qu’aucun des deux titres n’ait été retenu, Bond commence à travailler comme auteur chez Chess jusqu’à ce que le label soit vendu en 1969. Retour au bercail où l’attend un contrat chez Stax.

J’ai déménagé à Memphis en 1971, là où j’ai grandi. Quand je suis arrivé à Memphis, j’ai retrouvé Lee Sain chez Stax. Il m’a présenté à Tom Nixon et Josephine Bridges. Ils étaient sur le label [We Produce] avec les Temprees, un autre grand groupe. Je me produisais dans toute la ville, dans différents cafés et boîtes de nuit. J’y ai même gagné une certaine reconnaissance.

Lou Bond
Lou Bond
Lou Bond

Le label Stax, alors renfloué grâce au succès de Shaft, lui offre l’opportunité d’enregistrer en 1974 son propre opus, entouré du Memphis Symphony Orchestra, qui apparaît aujourd’hui comme un sérieux challenger aux plus beaux albums de Curtis Mayfield, Donny Hathaway et Terry Callier.

Influencé sans doute par Isaac Hayes (le producteur Nixon a beaucoup travaillé avec lui), la musique folk et les orchestrations de David Van DePitte pour Marvin Gaye, Bond entreprend de créer son propre opus magnum.

Pour ce faire, il travaille avec l’Orchestre symphonique de Memphis et les South Memphis Horns, ainsi qu’avec divers Bar-Kays les batteurs Willie Hall et Steve Holt, le pianiste Lester Snell, l’organiste Sidney Kirk, le guitariste Al McKay, le bassiste William Murphy.

Lou Bond
Lou Bond

Au départ, je suis seul avec ma guitare. C’est comme ça que je le voulais. Quand j’étais jeune, beaucoup de joueurs de blues n’avaient pour seul accompagnement que leur guitare ou un harmonica. En studio, les cordes, les cuivres sont venu s’ajouter autour de mes performances en solo.

Lou Bond

Sa version de « Lucky Me » de Jimmy Webb, bien qu’un peu timide dans les aigus, donne le ton : des mélodies envoûtantes et des arrangements symphoniques. Tout est laissé au temps pour se développer : il reprend « Let Me Into Your Life » de Bill Withers et l’étire.

Doté d’une grande conscience politique, Bond cherche à résoudre les conflits mondiaux, mentionnant sur le même titre « Why Must Our Eyes Always Be Turned Backwards » l’Irlande du Nord et le conflit vietnamien. Puissant et émotionnel, Bond chante ironiquement « America the Beautiful », avant d’aborder des questions sociétales propres aux États-Unis.

Les paroles de « To the Establishment » ne font que parler de ce qui se passait dans le monde. C’est le contexte de l’époque qui l’a fait naître. La musique et les textes me sont venu en même temps. Pour d’autres chansons, vous écrivez les paroles, et la mélodie vous vient plus tard.

Lou Bond

L’album, qui sonne comme un croisement d’Isaac Hayes avec Richie Havens et une arrivée précoce de Grandmaster Flash, n’eu aucun impact commercial au moment de sa sortie, et s’est rapidement épuisé. Certains titres ont cependant fait le tour de l’underground, et l’album est devenu un trésor perdu très recherché.

Le titre « To The Establishment », long de près de 12 minutes, a été samplé par des artistes comme Outkast et Mary J. Blige, Prodigy (Mobb Deep).

Réédité en 2010 par le label de Seattle Light in the Attic Records, l’opus contient quatre performances live inédites enregistrées à la même époque. Un classique perdu sorti de l’ombre.

Sources : www.forcedexposure.com – https://lightintheattic.net – www.lesinrocks.com – WWW.FUNKMYSOUL.GR – www.discogs.com – www.waxpoetics.com

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CREDITS :

Enregistré en 1974 – Memphis (USA) – We Produce Records

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