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Certaines chanteuses ont été si peu encombrantes qu’on ne les a pas vu passer. Dans le cas de Susan Christie, la discrétion fut malgré elle poussée à l’extrême : enregistré à Philadelphie entre 1966 et 1968, prévu pour sortir chez Columbia en 1970, l’album Paint a lady disparut aussitôt dans les limbes. Pas assez commercial selon le label. Une ridicule poignée d’exemplaires vinyle en fut pressée puis plus rien. La toute première réédition de cet LP insaisissable et essentiel ne verra le jour qu’en 2006 merci au label Finders Keepers.

Originaire de Philadelphie, Susan Christie fréquente un temps le Berklee College of Music de Boston avant de profiter de la vague folk-rock pour enregistrer un modeste hit « I Love Onions » (popularisée dans l’émission Captain Kangaroo) en 1966. Quelques demos plus tard, l’album Paint a Lady est enregistré dans la foulée entre 1966 et 1968.

Susan Christie Paint a lady

Sur des compositions de Bill Soden (dont « rainy day » et « echo in your mind » déjà interprétées par lui même et sorti en 45t en 1967), Susan Christie pose sa voix envoûtante, sensuelle et touchée par la grâce.

John Hill, dont les services ont été aussi remarqués chez l’étonnante Margo Guryan (Take a picture), cosigne trois titres, dont une merveille qui à elle seule vaut la postérité pour Susan Christie : No one can hear you cry, en toute fin de programme. Une mini-symphonie de 2′ 21 », qu’on dirait prélevée de la beauté du monde avec des baguettes empruntées à Burt Bacharach et Brian Wilson.

Caressée par les archets, pointillée par un xylophone, frissonnant au grondement des timbales, la voix de notre princesse élusive se sent ici pousser des ailes. Ce rêve éveillé fait l’effet d’une sidération.

Susan Christie Paint a lady

Ce qui est inhabituel – et ce qui la distingue de certains artistes auxquels on pourrait l’associer (Tim Buckley, Sandy Denny et Bobbie Gentry) ce sont les guitares saturées, l’orgue aux sonorités hard rock, les rythmes anguleux et les subtiles dissonances employées sur certains arrangements.

Les huit titres d’à peine une demi-heure nous offrent un folk gentiment psychédélique, troussé par un émule de Donovan (Bill Soden), et une brochette de curiosités, culminant avec les neuf minutes franchement flippantes de Yesterday where’s my mind, sorte d’acid-trip sonore que la chanteuse décrivit plus tard sobrement comme « un très honnête portrait de la contreculture de l’époque ».

« No One Can Hear You Cry », sonnerait presque comme un titre de Dionne Warwick (époque Bacharach/David), les tintements exotiques et glissandos instrumentaux en moins.

Allant plus loin dans l’étrange, le titre « When Love Comes », n’est pas sans rappeler Marianne Faithfull à ses débuts.

« Yesterday, Where’s My Mind ? », effrayant avec ses breaks de batterie qui dégringolent, son orgue qui donne la chair de poule et son récit sinistre et trippant entre chuchotement et cri.

Susan Christie Paint a lady

« For the Love of a Soldier » réussit la fusion d’un folk-rock anti-guerre avec un refrain hard rock funky redoutablement efficace.

J’ai toujours été très fier de cet album. C’était un son nouveau, une sorte de « folky-funk ». Par la suite, j’ai décidé de ne pas poursuivre une carrière de chanteuse « normale ». Les travaux de commande dans la pub, les jingles, étaient plus facile à concilier avec les enfants. J’ai chanté pour des détergents, du Pepsi light, du café Maxwell…

Susan Christie

En 2006, un exemplaire de Paint a Lady atterrit dans les mains de Keith Darcy, du label Finderskeeper alors en train d’exhumer les productions de John Hill, producteur de l’album, et qui a participé à Riders of the Mark, dont la chanson The Electronic Insides And Metal Complexion …

Septième sortie de Finders Keepers Records, Paint A Lady est devenu au fil du temps l’une des rééditions les plus demandées du label et la toute première réédition de ce LP insaisissable et essentiel.

Sources : www.soundohm.com – www.allmusic.com – www.telerama.fr – www.gutsofdarkness.com – https://disquesobscurs.fr – www.discogs.com – https://bracefortheobscure60srock.com

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CREDITS :

Enregistré entre 1966 et 1968 au Sigma Sound, Philadelphie – USA – Finders Keepers Records

Cette publication a un commentaire

  1. Daniel LESUEUR

    L’article n’est pas signé… mais son auteur(e) mérite mes chauds remerciements : c’est érudit et pas redondant du tout. Les gens qui savent écrire sur internet ne sont pas si nombreux, donc coup de chapeau de ma part. Ne pas hésiter à prendre contact : les gens talentueux sont rares, j’apprécie de papoter avec eux. Bravo de Daniel LESUEUR (https://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Lesueur)

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