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En 1962, Baden fait la connaissance de celui qu’on surnommera très vite son «père spirituel», Vinicius de Moraes. De bossas novas en afro sambas, Vinicius et Baden forment peut-être le tandem le plus réussi de la musique populaire brésilienne. Leur relation très forte, passionnelle, est toujours guidée par le seul désir de faire de la musique vraie, pure. Ainsi, les deux fouillent la musique afro-brésilienne de Bahia, des cérémonies de candomblé, et se servent de ces éléments pour créer leurs afro-sambas.

Au début des années soixante, les deux hommes sont mutuellement fascinés par les musiques de candomblé. À l’origine de cette passion naissante, un homme, le compositeur bahianais Carlos Coqueijo qui a offert le disque Sambas de Roda e Candomblés da Bahia à Vinícius et qui entraîna Baden à fréquenter les terreiros et rodas de capoeira de Bahia. Forts de ces découvertes et fascination communes, en 1963 les deux hommes Baden Powell Vinicius de Moraes s’enfermèrent dans l’appartement de Vinicius pour composer, leur créativité irriguée par des litres et des litres de whisky Haig & Haig, comme le veut l’anecdote.


Baden Powell Vinicius de Moraes
Os Afro Sambas

Avec Vinicius, on parlait de tout. Il faut dire qu’on ne connaissait pas les mêmes choses tous les deux. On n’avait pas du tout eu la même éducation. A Rio-de-Janeiro, Vinicius habitait les quartiers sud, dans la partie chic (Ipanema, Leblon…). Et moi, j’étais du nord de Rio. J’habitais au pied des favelas. Dans un milieu complètement différent. Par exemple, c’est moi qui ai raconté à Vinicius toute l’histoire du Candomblé, toutes ces histoires étranges… Et je lui racontais ça parce que je connaissais le sujet, c’était ma vie. Et Vinicius écoutait. Pendant trois mois, il me raconta une histoire et je lui en racontais une autre. Il me disait tout et moi aussi. Et avec tout ça, whisky, whisky, whisky, et la musique.

Baden Powell

Pour eux, les choses sont claires, si leur inspiration est aussi spirituelle et qu’elles évoquent les orixás Exu, Ossanha ou Xangô, leurs chansons ne sont en rien religieuses. Ici comme toujours, l’amour reste le sujet de prédilection de Vinícius.

Baden Powell Vinicius de Moraes Os Afro Sambas
Baden Powell Vinicius de Moraes – Os Afro Sambas

Dans cette exploration des racines africaines du Brésil, Vinícius trouve l’aplomb de se déclarer « le Blanc le plus noir du Brésil ». Sans remettre en cause sa sincérité, il devait se faire un malin plaisir à le fanfaronner dans les salons de la bonne société carioca, petite provocation destinée à choquer le bourgeois.

L’album sort trois ans plus tard. Enregistré de façon « rustique ». Selon Guerra Peixe, responsable de sa production, l’idée était de conserver la spontanéité et donner l’impression que l’enregistrement avait été réalisé au cœur même d’un terreiro. Un choix radical pour un maestro parfois décrit comme le « Bartok brésilien ».

Les souvenirs de Baden Powell sont plus réservés : « l’enregistrement a eu lieu un jour de déluge inoubliable. La pluie avait inondé le studio. Je chantais et on jouait installés sur quelques caisses de bières et de whisky qu’on avait vidées depuis un bon moment. Nous étions très inspirés mais aussi bien ivres. Plus très professionnels en fait.

Baden Powell Vinicius de Moraes – Os Afro Sambas

Les deux fouillent la musique afro-brésilienne de Bahia, particulièrement celle des cérémonies de candomblé, et se servent de ces éléments pour créer leurs afro-sambas.

La chanson Berimbau, par exemple, est appelée ainsi en raison de l’arc musical utilisé pour accompagner la capoeira – Baden joue la partie rythmique du berimbau à la guitare.

Canto de Ossanha est une chanson en hommage à Y orixâ Ossanha. Elle commence par un motif musical bossa nova, la nouvelle vague assez envoûtant sur la corde basse de la guitare, accompagné de phrases de guitare assez sourdes et de percussions discrètes, et se développe ainsi jusqu’à ce que la chanson explose en une célébration de percussions et de guitare.

Baden Powell Vinicius de Moraes – Os Afro Sambas

Outre le fait que Baden Powell étudie à cette époque le chant grégorien avec Moacir Santos, qui y percoit des similitudes avec les cantiques aux origines africaines, cette intensité religieuse tient aussi à la présence de quatre sœurs bahianaises (blanches) lors de l’enregistrement : Cyva, Cybele, Cynara et Cylene, soit le Quarteto em Cy.

Leurs voix ferventes sont une véritable épreuve pour qui voudrait se définir comme mécréant. Écoutez « Bocochê » ou « Canto de Xangô » pour vous en convaincre. A ces voix enchanteresses se greffent six percussionnistes pour reproduire la puissance rythmique des musiques du candomblé.

Vinícius de Moraes a toujours attribué au génie de Baden Powell la beauté de cet album. Mais, pour lui, il importe surtout que ressorte de son enregistrement l’ambiance spontanée et joyeuse qui les animent.

Baden Powell Vinicius de Moraes – Os Afro Sambas

Pour illustrer le caractère spontané de l’enregistrement des Afro Sambas, l’interprétation du « Canto de Ossanha » en est une merveilleuse illustration. Baden Powell est à la guitare. Vinícius chante et le refrain est repris en chœur par l’assemblée de jeunes gens assis aux pieds des musiciens. Peut-être s’agit-il du Coro Misto qui participe à l’enregistrement de l’album, composé de proches et d’amies du duo. Peu importe, il s’en dégage un enthousiasme et une fraîcheur irrésistibles.

Un des titres, Samba da bençao, figure dans le film de Claude Lelouch Un homme et une femme. Ils composent aussi des chansons comme Consolaçao, Apelo (Appel), Tempo feliz (Temps heureux), Deve ser amor (Ce doit être de l’amour), et Deixa (Laisse).

En 1990, toujours avec le Quarteto em Cy mais sans Vinícius décédé dix ans plus tôt, Baden Powell ré-enregistra Os Afro Sambas, le plus fidèlement possible de la version originale dont il regrettait la faible qualité du son, enregistrée en deux pistes en 1966. La qualité technique de la prise de son est certes meilleure mais la magie s’est quelque peu évaporée.

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CREDITS :

Enregistré le 3 janvier 1966 à Rio de Janeiro – Forma records

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