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Avec Murder Ballads qui paraît en février 1996, Nick Cave enfile son costard de prédicateur bipolaire, pris entre péché et rédemption. Mi-Johnny Cash gothico-punk, mi-Lee Hazlewood de l’enfer, le cerveau des Bad Seeds, crooner dans l’âme, narre ses histoires de mort, de trahison, de sexe, de violence et de passion… Ce Nick Cave aux airs de Nosferatu s’offre même deux vierges à croquer : son double, PJ Harvey, sur Henry Lee, et sa compatriote Kylie Minogue pour un thriller érotique intitulé Where the Wild Roses Grow.

En activité depuis l’orée des années 1980 avec The Birthday Party puis les Bad Seeds, Nick Cave est à la recherche d’un second souffle une douzaine d’années plus tard; sa poésie noire et son rock tranchant gagnent en popularité avec l’album «Let Love In» (1994), sur lequel il n’a pas réussi à caser le titre O’Malley’s Bar, chanson fleuve de près de quinze minutes retraçant le meurtre de sang-froid de tous les clients du bar en question.


Nick Cave Murder Ballads

D’où l’idée d’arranger autour du plat de résistance une série de titres parlant de tueurs, de flingues et d’autres dézinguages. Nick Cave va piocher dans le répertoire des chansons traditionnelles anglo-américaines (des « murder ballads », chansons folk datant du XVIIIe siècle et incluant d’horribles récits de massacres), et produire des compositions personnelles avec une seule thématique : faut que ça saigne !

C’est en quelque sorte mon ennui face au sujet du meurtre qui a suscité ces chansons. Elles évoquent en réalité bien autre chose – l’utilisation d’un certain langage, l’utilisation de rimes. Le propos c’est aussi l’humour et le fait de raconter une histoire. Le point de vue du meurtre est une façon efficace de faire surgir un effet dramatique à l’échelle d’une chanson. Ce que j’aime, à propos de ces chansons, c’est qu’il n’y a jamais aucun motif pour les personnages à accomplir un meurtre.

Nick Cave – Mojo Magazine en 1997

C’est ainsi que l’on retrouve des airs folk célébrant les bandits de grands chemins et autres outlaws du Far West. Le légendaire « enculé de sa mère nommé « Stagger Lee », également célébré par James Brown et Wilson Pickett, apparaît dans une chanson éponyme, perpétrant des actes innommables envers les hôtes de l’auberge The Bucket of Blood.

Nick Cave prend plaisir à brosser une galerie de portraits de lycéennes meurtrières, d’épouses affolées et de tueurs en série.

Sur Henry Lee, Cave transcende le propos en invitant PJ Harvey (sa compagne de l’époque) à chanter avec lui, rendant le tragique de la situation (deux amants séparés par la mort) encore plus poignant.

Nick Cave Murder Ballads
Nick Cave Murder Ballads

Sur fond de rock jazzy sombre et menaçant, Cave explore la noirceur de l’âme humaine. Il Narre dans le détail le parcours de la jeune sérial killeuse Loretta (The Curse of Millhave) se transformant en mauvaise fée de 14 ans massacrant avec délectation les habitants de son village ou la vengeance de Crow Jane (vingt cadavres d’un coup).

Joyeusement effrayants, ses assassins n’ont ni but, ni remords, ni volonté de revenir en arrière. S’il renonce au jugement, Nick Cave cède parfois au romantisme, en particulier dans Where The Wild Roses Grow, sommet de cet album, sur lequel il emmène la star australienne par excellence, Kylie Minogue, reine des charts, catégorie pop sucrée. Les deux caractères (façon la Belle et la Bête) se répondent avec une justesse troublante sur ce titre qui, comme il se doit, se termine en crime passionnel.

Nick Cave Murder Ballads
Nick Cave Murder Ballads

Ces «Murder Ballads» auraient pu être chantées par Léonard Cohen ou Tom Waits. Ou encore Bob Dylan… dont Cave reprend Death Is Not The End avec ses musiciens et ses invités (PJ Harvey, Kylie Minogue, Shane MacGowan des Pogues) en conclusion de ces opus qui, en cinquante-huit minutes et dix chansons, ont la bagatelle de soixante-cinq victimes !

Disque atypique des Bad Seeds, Nick Cave attribuera le succès à la présence de Kylie Minogue, et répètera à l’envi que ce disque était une «pause» pour le groupe.

Comment recevoir Murder Ballads… ? Comme une glorification pessimiste du meurtre ? Ou comme un succès commercial ? ce qu’il est. Non. Preuve en est : Cave reçut un MTV award pour « Where The Wild Roses Grow ». Quelques mois plus tard, il le refusa publiquement et, après avoir remercié la chaîne pour cette récompense, s’expliqua :

Je ne souhaite pas recevoir ce prix ni les éventuels futurs. Je préfère le laisser à ceux qui aiment la compétition qu’ils entraînent. Je me suis toujours vu comme quelqu’un d’individuel, qui fait ce qu’il aime, seul – en dépit de ceux qui essayent de résumer (et d’appauvrir) la musique pour mieux la mesurer. Je ne suis en compétition avec personne.

Nick Cave

Sources : www.lesinrocks.com – www.qobuz.com – www.leseternels.net – www.indiepoprock.fr

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CREDITS :

Enregistré entre 1993 et 1995 à Atlantis, Sing Sing and Metropolis Studios, Melbourne, Wessex Studios, London – Mute Records

Nick Cave (chant+piano+claviers) – Blixa Bargeld (guitare+chœurs) – Mick Harvey (guitare+claviers+percus+basse) – Conway Savage (piano+claviers+chœurs) – Martin P. Casey (basse) – Thomas Wydler (batterie+percus+chœurs) – Jim Sclavunos (percus+batterie) –  Pj Harvey (chant) – Kylie Minogue (chant) – Hugo Race (guitare) – Shane Mcgowan (chant)

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