De la musique traditionnelle à l’éthio-jazz, du Krar au Begena, la musique éthiopienne dessine une longue histoire. Girma Bèyènè, figure du « Swinging Addis » dans les années 1960-1970, qui après le succès et l’exil aux Etats-Unis, retrouve la scène en 2015 au côté du groupe français Akalé Wubé et un album Mistakes on purpose, paru en 2017 dans la mythique collection Ethiopiques sous la direction de Francis Falceto.
Girma Bèyènè débute sa carrière comme chanteur au sein du Ras Band en 1961. Il se fait surtout connaître comme pianiste, organiste, et arrangeur lors de son travail avec son complice le chanteur Alèmayèhu Eshèté avec lequel il fonde l’orchestre Alèm-Girma Band.
De 1969 jusqu’en 1978, il travaille sur plus de 60 titres et se fait reconnaître par ses arrangements inspirés de la pop music anglo-américaine.
Girma Bèyènè & Akalé Wubé, Mistakes On Purpose
À cette époque, il est plus actif et reconnu dans son pays que Mulatu Astatke, futur grand nom de l’éthio-jazz qui a arrangé en 1969 certaines de ses chansons, comme « Yebekagnale », « Yegele Tezeta », « Set Alamenme », ou « Ene Negn Bay Manesh ». Lors d’une tournée internationale, il en profite pour émigrer aux États-Unis en 1981, mais connaîtra d’immenses difficultés pour se produire sur scène.
Dans son pays d’accueil, la musique devient vite «un job à temps partiel. Je gagnais ma vie dans une station-service.» C’est sur la Côte Est, à Washington, que Francis Falceto – producteur des mythiques collections Ethiopiques (Buda Musique)- retrouve sa trace en 2005 et l’interviewe pour nourrir les livrets des Ethiopiques.
Trois ans plus tard, le productif Français organise dans le cadre d’un festival à Addis-Abeba une soirée en hommage à Girma Bèyènè. Pour l’ex-baby-boomer biberonné de bon vieux rock’n’roll, de soul suave et de ritournelles pop, c’est le début des retrouvailles avec son pays, où il reviendra bientôt s’installer.
2008, c’est aussi l’année de fondation d’Akalé Wubé, quintet français d’obédience jazz «ouvert» qui doit son nom à une autre étoile éthiopienne, le sax Gétatchèw Mèkurya.

Ce n’est que sept ans plus tard que va germer l’idée de ce disque. «Girma cherchait un groupe pour l’accompagner. Francis, que l’on venait de croiser, a pensé à nous. Cinq jours après, Girma était OK. Un concert parisien en 2015 aura raison du quintet. Tous sont raccords : ce coup d’essai mérite d’être transformé. Neuf mois plus tard, Girma Bèyènè est fin prêt pour enregistrer un album dans les studios de ses nouveaux amis parisiens, avec Francis Falceto à la direction artistique.
Girma Bèyènè choisit les titres parmi le vaste répertoire de l’Ethiopien, auxquels s’ajoute For Amha, un original des Français en hommage à Amha Eshèté, légendaire producteur du Swingin’ Addis.
Le résultat laisse béat. «Ça ne joue pas toujours vite, mais c’est compensé par un tel feeling. Un truc inimitable ! On ne cherchait pas la virtuosité. Ces gens-là font la musique avec ce qui tombe sous leurs doigts. C’est juste beau au piano. Parfois même magique.
David Georgelet
David entrevoit en Girma Bèyènè le même phénomène qu’avec Ruben Gonzalez, pianiste cubain dont le premier album demeure le monument de l’aventure Buena Vista Social Club. La comparaison s’arrête là, car à l’écouter fracasser des deux mains le clavier sur plus d’un titre, ou bien le caresser avec doigté, on devine que Girma Bèyènè demeure fidèle à ses options qui voici un demi-siècle faisaient de cette espèce de «yéyé» une personnalité hors norme, un avant-gardiste combinant sens de la pop et goût pour le jazz, oblique psychédélique et carrure rock.
Il reste un obsédé de la musique anglo-saxonne des sixties et on s’est retrouvés à devoir arranger un répertoire, pas forcément typé très « éthio ». On avait parfois l’impression d’être plus éthiopiens que lui
Etienne de la Sayette
C’est l’un des charmes d’une telle rencontre : par cette inversion des références, démonter les évidences et démontrer que la mondialisation de la bande-son se joue depuis belle lurette dans tous les sens.
Sources : www.afrisson.com – www.radiofrance.fr – www.lemonde.fr – www.liberation.fr – www.discogs.com
CREDITS :
Enregistré en 2016 au studio Prado – Paris – Buda musique records
- Baritone Saxophone – Cyrille Méchin (pistes : 3)
- Bass, Percussion – Oliver Degabriele
- Clarinet – Cyrille Méchin (pistes : 13)
- Drums – David Georgelet
- Flute, Bass Clarinet, Tenor Saxophone, Baritone Saxophone – Etienne De La Sayette
- Guitar, Organ, Percussion – Loïc Réchard*
- Mixed By – Fabien Girard (2)
- Organ – Florian Pellissier (pistes : 7, 9, 13)
- Organ [Fender Rhodes] – Florian Pellissier (pistes : 3)
- Percussion – Erwan Loeffel (pistes : 2 to 6, 12)
- Piano, Vocals – Girma Bèyènè*
- Producer [Artistic Production] – Francis Falceto
- Recorded By – Pierre Dachery, Viktor Gourarier
- Trumpet, Krar, Bugle, Glockenspiel, Percussion – Paul Bouclier