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De bien tristes circonstances rappellent James Brown au travail. Au lendemain de la mort accidentelle de son fils en voiture, il se jette à corps perdu pendant tout l’été 73 dans la conception de ce qui doit théoriquement encore être la musique d’un film, Hell Up In Harlem. Curieusement les producteurs n’en voudront pas. « pas assez funky ». De façon caractéristique, ce jugement imbécile motivera Brown, qui sortira l’album sous le nom de James Brown The Payback.

Début 73, constatant le succès de ses rivaux Isaac Hayes et Curtis Mayfield, James Brown décide lui aussi de se lancer dans l’aventure blaxploitation avec ses J.B.’s, notamment Fred Wesley. Ce sera « Black Caesar », en mars 1973, la bande originale d’un film de Larry Cohen enregistrée en quelques heures en prise directe.


James Brown The Payback

Peu avant la sortie de « Black Caesar », qui évoque les mafias noires de Harlem, un dj a la bonne idée de le surnommer The Godfather of soul » en référence au héros Fred Williamson « le Parrain de Harlem ». Le terme fait sensation : il orne aussitôt la pochette de l’album et vient se greffer à une déjà longue liste de sobriquets flatteurs.

En juillet de la même année paraît « Slaughter’s Big Rip Off », bande originale d’un film signé cette fois Gordon Douglas, qui rassemble la même équipe autour du Parrain de la soul, y compris « Friendly » Wesley, Lyn Collins et les JB’s.

Son enthousiasme pour les bandes originales paraît sans limites. Aidé de Fred Welsey, il compose « The Payback » pour un nouveau film, Hell Up In Harlem. Ce titre est refusé par le réalisateur Larry Cohen, au prétexte que le morceau n’est pas « assez funky », un comble pour James Brown !

 James Brown The Payback
James Brown The Payback

A ce moment, ce refus n’est qu’un incident supplémentaire survenant au milieu d’une période noire pour le Parrain de la soul. Épuisé par son rythme de tournée marathonien et pris dans le collimateur du fisc américain, James Brown doit faire face à la perte de son fils Teddy, mort dans un accident de la route au mois de juin. Seuls la scène et le studio parviendront à endiguer la peine du Godfather of soul.

Finalement, c’est à l’ancienne vedette Motown Edwin Starr que sera confié la bande son. Mais James n’en démord pas et se venge avec éclat, comme il le fait si bien sur ce morceau.

Au mois de février 1974, le single The Payback devient numéro 1 des classements r&b, clé de voûte du somptueux double album homonyme qui sort au même moment.

James Brown The Payback

Composé pour partie de morceaux rejetés de la bande originale de Hell Up In Harlem (le morceau-titre, Shoot Your Shot, l’instrumental Time’s Running Out Fast et le semi-improvisé Mind Power), viendront s’ajouter à l’album James Brown The Payback des titres composés au cours de l’année 1973 à l’International Studios d’Augusta, non loin de son fils enterré en Géorgie.

Il peaufinera les sessions en septembre à New York, avant de retourner enregistrer le premier single de l’album, Stone To The Bone, à l’International Studio qui lui appartient. Puis le James Brown Show joue en tête d’affiche à Augusta, dans son propre club le Third World Night Club, qui sera mystérieusement réduit en cendres le mois suivant.

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Comme pour « There It Is » en 1972, « Hell » quelques mois plus tard et « Reality » en 1975, James Brown plonge au cœur de la sombre réalité du ghetto, « Forever Suffering », chante-t-il, ancré dans la souffrance quotidienne de l’Amérique noire, ainsi que sa propre souffrance, rarement apaisée depuis son enfance si ce n’est par une plongée vertigineuse dans le travail.

Sans relâche, accompagné par les fidèles Wesley, Maceo Parker, St. Clair, Jabo et Jimmy Nolen, il poursuit son exploration d’un groove suprême qu’il a inventé dix ans plus tôt. Il fonctionne avec son groupe comme par télépathie, à travers les méandres de morceaux qui atteignent pour la plupart les dix minutes.

james brown the payback

En dépit d’une concurrence pourtant farouche, personne n’est en mesure de rivaliser avec une emphase rythmique aussi hypnotique, même si l’étendard du funk est en berne sur « Doing The Best I Can » digne des meilleures soules sudiste.

Vêtu de son costume de Tyran Des Rythmiques, c’est à grand coups de Blow ! et autre Hit Me ! qu’il invective Fred et Maceo les contraignant même à se livrer à un Homérique duel de cuivres sur Shoot Your Shot.

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Complètement soumis, le pauvre Maceo sera même sommé d’exécuter un divin et aérien solo de flûte sur Mind Power. Et quand le bolide se trouve freiné sur les titres plus Soul, il évite astucieusement de tomber dans l’arrangement facile et superflu préférant miser sur la suavité et la délicatesse de chœurs féminins.

Comme le proclame le titre, James Brown se venge l’air amer et sévère. Sur la pochette, on peut lire: « Nous avons droit à l’arbre de la vie. » Et au dos de celle-ci, Alan Leeds incite à une vengeance « dure et équitable », exaltant la nécessité de cet album.

James Brown The Payback

Ce chant de colère, de revanche est aussi un chant du cygne. Fred Wesley et Maceo Parker, persuadés que Brown est artistiquement sur le déclin partent mettre une bonne dose de « P » dans leur funk en rejoignant le délirant et roboratif Bootsy’s Rubber Band.

James enchaînera les disques avec une aisance-déconcertante, en publiant huit albums en deux ans et demi ! Jamais il n’a vendu autant de disques, comme le confirme le succès commercial de « The Payback », succès inédit pour un double album.

The Payback sera certifié disque d’or. Avec le recul, les spécialistes le considèrent comme un album clef de la période la plus funky du Godfather. Son groove répétitif et lancinant, transe hypnotique slalomant entre soul et funk, est même devenu une signature propre à la star.

Quelques années plus tard, on ne comptera plus les rappeurs ayant pillé The Payback pour trouver le sample qui fait mouche. De Massive Attack, avec le titre « Protection », à la bande son du film Django Unchained, les artistes inspirés par cet album sont nombreux.

Source : https://sleevenotesrecords.com – www.songfacts.com – https://soundblab.com

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