Chelsea Girl (Nico), LP envoûtant aux intonations lugubres, quasi gothiques

Nico Chelsea Girl

Au printemps 1967 sortait le premier album d’un groupe new-yorkais couvé par Andy Warhol, The Velvet Underground. La fameuse pochette à la banane. Juste après, en avril et mai, Christa Päffgen alias Nico, mannequin recyclé dans la chanson, gravait dix titres dans un studio de Manhattan. Sur ce premier opus solo, les compositions sont toutes signées par la crème des songwriters de l’époque, Bob Dylan,Tim Hardin, Jackson Browne, Lou Reed, Sterling Morrison et John Cale. Même si elle n’a pas composé elle-même les morceaux, Chelsea Girl, confirme l’originalité et le potentiel de Nico.

Installée à New York depuis peu, Nico s’intègre vite dans le petit monde de l’avant-garde, où elle devient l’une des protégées d’Andy Warhol. Celui-ci lui offre le premier rôle dans son film vérité Chelsea Girls, avant de l’imposer, littéralement, comme chanteuse à son groupe fétiche, le mythique Velvet Underground.

La personnalité de Nico marque profondément le premier album, qui s’intitule d’ailleurs The Velvet Underground And Nico (1967). Sa voix grave donne un ton étrange aux chansons de Lou Reed et John Cale, notamment Femme Fatale, l’un des titres phares du disque.

Nico Chelsea Girl

Mais les relations avec le reste de la formation ne tardent pas à s’envenimer. Le groupe ne l’accepte jamais vraiment, Lou Reed encore moins, et elle quitte le Velvet en 1967. Nico reprend alors une carrière solo avec l’album Nico Chelsea Girl.

Au moment de l’enregistrement de Chelsea Girl début 67, Nico ne fait déjà pratiquement plus partie du Velvet (elle en sera officiellement évincée fin mai 1967), sa présence étant de plus en plus mal perçue par les autres membres.

Ces derniers acceptent néanmoins de contribuer à son premier album solo, à l’exception notable de Moe Tucker (il n’y a d’ailleurs pas de batterie sur le disque), en lui offrant des chansons et en participant aux sessions d’enregistrement.

Songwriter alors en plein essor, Jackson Browne, avec qui la chanteuse a eu une liaison pendant quelques mois, signe de son côté trois titres, dont The Fairest of the Seasons et These Days, les deux superbes ballades qui ouvrent l’album et lui confèrent sa tonalité dominante – celle d’un folk-rock aussi majestueux que mélancolique.

Nico Chelsea Girl
Nico Chelsea Girl

Les autres chansons sont signées Bob Dylan, Tim Hardin, Lou Reed, Sterling Morrison et John Cale du Velvet Underground.

Même si elle n’a pas composé elle-même les morceaux, Chelsea Girl confirme largement l’originalité et le potentiel de Nico. Elle y affirme son style, aux intonations lugubres, quasi gothiques. Sa voix si singulière est austère et pourtant fascinante. Les arrangements, légers et sans prétention, utilisent la flûte, l’alto électrique, le marimba, la guitare, le violoncelle.

Les morceaux possèdent une qualité envoûtante et séduisante, particulièrement le serein et évocateur These Days/I’ll keep it with mine, la ritournelle folk immortelle The Fairest Of The Seasons ou le cousin du « European Son » velvetien It Was A Pleasure Thing avec ce souci d’expérimentation qui apporte un charme intemporel indéniable.

Nico Chelsea Girl
Nico Chelsea Girl

Le titre Chelsea Girl quand à lui fait référence au film réalisé en 1966 par Andy Warhol, Chelsea Girls, dans lequel elle jouait. L’hôtel en question était un établissement plutôt louche où avait été tournée la majeure partie du film. Sa propre chanson relative à l’hôtel consiste en une ligne à la guitare assez simple jouée par le guitariste du Velvet, Sterling Morrison, renforcée par une flûte omniprésente et de temps à autre un accompagnement aux cordes. Nico expose sans fioritures l’histoire des occupants instables et drogués de l’hôtel, des filles des deux sexes ou d’aucun.

Nico détestait ce morceau – comme le reste de l’album, d’ailleurs – à cause des arrangements de flûte et de cordes de Larry Fallon, ajoutés sans son accord par le producteur Tom Wilson, à cause aussi du manque de percussions.

Nico Chelsea Girl
Nico Chelsea Girl

Écrite par Tim Hardin, la dixième et dernière chanson, Eulogy to Lenny Bruce, est dédiée au trublion autodestructeur Lenny Bruce, mort d’overdose en 1966, dont Hardin était un ami et que Nico appréciait beaucoup. Apportant une conclusion particulièrement poignante à l’album, la chanson frappe par son lumineux recueillement ainsi que par son extrême dépouillement.

A sa sortie, l’album ne fait pas grande impression. Le public n’est pas prêt à accueillir les chefs-d’œuvre expérimentaux de Nico et leur ambiance mélancolique. Mais sa beauté sauvage fascinera les générations suivantes, ainsi que l’œuvre provocatrice de Nico, créée plus tard avec John Cale : Patti Smith a chanté ses louanges, Siouxsie Sioux la voulait en première partie.

Sources : http://smironne.free.fr – http://musique.fluctuat.net – www.discogs.com – https://bruitdefond.blog – www.telerama.fr – www.lesinrocks.

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CREDITS :

Nico : voix – Jackson Browne : guitare électrique (A1-2, B2-3, B5) – Lou Reed : guitare électrique (A3, A5, B1, B4) – John Cale : viola, orgue, guitare (A3-5) – Sterling Morrison : guitare électrique (B1, B4) – Larry Fallon : arrangements pour violons et flûte – Tom Wilson : producteur – Larry Fallow* : Arrangeur, chef d’orchestre – Val Valentin : ingénieur du son – Gary Kellgren : ingénieur du son – Paul Morrissey : photo

Enregistré le 4 avril 1967 – Mayfair Sound Studios NYC (USA)

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